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Baisse du pouvoir d’achat, inflation galopante, augmentation du prix de l’électricité annoncée au 1er août, celui du gaz qui va exploser cet hiver. Caroline Bertrand a beau retourner le problème par tous les bouts, c’est décidé, cette année, elle doit modifier ses plans et ne partira nulle part.
Depuis la séparation avec le père de ses deux enfants, il y a cinq ans, cette quadragénaire, professeure des écoles qui rembourse un pavillon de banlieue, a pourtant vite appris la rigueur dans la comptabilité. Et avec 2 500 euros mensuels, elle estime ne pas faire partie des plus à plaindre. « Ce qui me chagrine le plus, c’est de ne pas pouvoir offrir la mer à mes enfants », grimace-t-elle.
Sa fille aînée de 17 ans pourra profiter de quelques jours dans la maison de campagne d’une amie. Son fils, 12 ans, ira deux petites semaines en Italie avec le papa. « Mais nous ne serons pas ensemble. Les vacances, c’est pourtant un moment privilégié, en famille, que l’on attend toute l’année ! » Avec l’inflation, les prix ont augmenté partout. Alors le budget qui aurait pu être utilisé pour les vacances, pour « partir une petite semaine dans un camping sur les plages du Nord » a déjà été grignoté par tout le reste.
Le recours au paiement fractionné
Caroline Bertrand fait partie de ces (trop) nombreux Français restés à quai cette année. Selon un sondage CSA réalisé en juin, 60 % des personnes interrogées prévoyaient de partir cet été. Elles étaient 63 % l’an dernier. Pour les 40 % qui restent, 44 % invoquent en premier lieu le manque de moyen. Et pour cause : le budget moyen consacré aux vacances est en hausse de 23 % par rapport à celui de l’an dernier.
Ceux qui, malgré tout, sont décidés à s’accorder une escapade estivale avouent rogner sur les achats plaisirs (59 % des personnes interrogées), les frais de restauration et d’alimentation (52 %) ou encore la durée de leur séjour (28 %). Pour ne pas avoir de mauvaises surprises et prévoir d’emblée son budget, certains ont opté pour le « tout compris ».
La fameuse formule « all inclusive » qui englobe hébergement, nourriture et activités. L’avantage, c’est que l’on peut payer en plusieurs fois. Toujours selon l’institut CSA, plus d’un Français sur cinq a déjà eu recours au paiement fractionné pour financer ses vacances d’été.
Car d’après un sondage Elabe pour BFMTV rendu public le 13 juillet, 64 % des sondés qui avaient l’intention de partir en vacances cet été disent que l’inflation a un impact sur le lieu, la durée, les activités prévues ou encore le type de logement choisi pour leur séjour. Cette année, les vacanciers prévoient en moyenne un budget de 682 euros par personne.
« Mais ce chiffre cache d’énormes disparités sociales selon la situation économique des individus, observe l’institut Elabe. 67 % des plus aisés ont l’intention de s’ouvrir de nouveaux horizons, contre seulement 39 % des plus précaires. » Une proportion qui monte à 82 % chez les cadres, contre 51 % pour les ouvriers. Des inégalités qui se creusent.
Les plus modestes partent moins souvent qu’au début des années 2000
Ainsi, les plus modestes partent moins souvent qu’au début des années 2000 (41 % en 2002 contre 37 % en 2022) selon les sources du Crédoc de janvier 2022. Les plus aisés, eux, restent toujours deux fois plus nombreux à partir.
Pire encore. Selon une autre enquête Elabe dévoilée le 12 juillet par la Fondation Jean-Jaurès, 60 % des Français ne sont pas partis du tout en vacances ces cinq dernières années. Aux limites financières s’ajoute un phénomène de honte. 56 % des Français n’ont pas expliqué à leurs proches les raisons pour lesquelles ils avaient renoncé à bouger de chez eux. Et 11 % ont même raconté à leur entourage qu’ils étaient partis alors que ce n’était pas le cas. Un sentiment particulièrement marqué chez les catégories les plus modestes.
« Partir en vacances, notent les auteurs de l’enquête, c’est aussi et surtout “être comme tout le monde”. Ceux qui n’accèdent pas au départ portent cette expérience comme un stigmate : ils en ressentent une profonde frustration. Or c’est peut-être aussi de cela qu’il est question avec ces jeunes des quartiers populaires, laissés aux marges de nos villes, victimes d’un enclavement auquel s’ajoute souvent une relégation sociale et culturelle. »
Pour les populations modestes, c’est la double peine. L’impossibilité financière de partir en vacances – une semaine de location pour un couple avec deux enfants équivaut au minimum à un demi-Smic, selon le Crédoc – se conjugue avec l’obligation de rester dans des logements et des villes devenus invivables lors des désormais inévitables canicules estivales.
Inflation ou pas, pour les catégories supérieurs, rien ne vient perturber leurs habitudes
Quand ils ont la chance de trouver un job d’été, les jeunes des milieux populaires sacrifient leurs vacances pour travailler et financer leurs études. Le scénario n’est pas le même avec les catégories supérieures. Certes, elles ont des revenus élevés. Mais les vilégiatures font aussi partie de leur mode de vie : les plus favorisés ont découvert d’autres contrées lointaines avec leurs parents dans leur enfance. Ils parlent souvent une langue étrangère et peuvent être hébergés dans la résidence secondaire de leurs proches. Inflation ou pas, rien ne vient perturber leurs habitudes.
Si des dispositifs aident les plus modestes à partir – les centres communaux d’action sociale, la Caisse d’allocation familiale ou le Secours populaire français (SPF) qui contribuent à payer un camping, un déplacement chez des proches ou un séjour en villages vacances –, ils suffisent de moins en moins. « Cette année, les demandes sont en hausse de 25 %, à cause du coût de la vie et de celui des transports, déplore Houria Tareb, membre du bureau national du SPF. Nous ne faisons pas face à la demande, tant la précarité est énorme. »
Paradoxalement, les plus fortunés sont davantage aidés que les plus pauvres. Les travailleurs précaires, intérimaires sont exclus des aides des comités d’entreprise (CE), obligatoires au-delà de 50 salariés. Sans CE, sans soutien des organismes sociaux, sans famille ou amis qui mettent à disposition un hébergement, partir est inabordable. Quatre-vingt-sept ans après les premiers congés payés, les écarts liés aux vacances ne cessent de se creuser.
Les vacances sont là et avec elles les multiples annonces qui nous vendent du rêve pour pas cher. Cours de tennis, plage et piscine, vols à des prix défiant toute concurrence. Des tarifs bas qui permettent, en théorie, de nouvelles possibilités pour tous. S’envoler une semaine au Maroc ne serait plus le privilège d’une élite, comme c’était le cas il y a une trentaine d’années. Mais si les jeunes (le plus souvent étudiants) et les retraités des classes moyennes profitent de ces coûts cassés, les familles les plus modestes restent une fois de plus sur la touche. Car, pas de mystère : ces vols et séjours low cost de masse s’adressent aux personnes ayant une flexibilité dans leurs dates de vacances (souvent les cadres supérieurs, les professions libérales et les indépendants), ainsi qu’une capacité financière permettant de réagir rapidement aux offres discount (les premières minutes ou les dernières). Sans surprise, les catégories les mieux adaptées à ce genre d’offre restent celles qui sont dotées d’un capital économique et culturel.
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