[ad_1]
Publié le 8 juil. 2023 à 17:34
Difficile d’identifier précisément sur un calendrier la naissance de ce mouvement, mais celui-ci devient, pour de multiples raisons, un incontournable du secteur du tourisme : le « slow tourisme », ou « tourisme lent » dans la langue de Molière, n’est plus l’apanage des écolos du dimanche. L’apprécier quantitativement s’avère complexe pour les professionnels du tourisme, car ce mode de voyage étant protéiforme : voyager tout en prenant son temps, s’imprégner pleinement de la nature et du patrimoine, mais aussi privilégier les rencontres, savourer les plaisirs de la table, avec le souci du respect du territoire et de ses habitants – selon une définition du ministère de l’Economie.
« Cette forme de tourisme est née du mouvement italien du Slow Food contre la malbouffe et pour une écogastronomie. Dans cette première acception, le slow tourisme se situe dans la large sphère du tourisme durable et, plus précisément, de l’écotourisme, avec lequel il se confond souvent », décrypte Rémy Knafou, professeur émérite de l’université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, qui a fondé et dirigé la première équipe française de recherche consacrée au tourisme.
« Il existe une deuxième définition plus restrictive, rappelle-t-il, qui limite le slow tourisme à quelques pratiques bien identifiées dès lors qu’on se déplace à pied, à vélo, à cheval ou en bateau sur une voie fluviale. » Ce qui concerne potentiellement un grand nombre de Français puisque 22 millions d’entre eux déclarent faire du vélo pendant leurs vacances, 27 millions de la randonnée (selon la Fédération française de randonnée) et 11 millions de la navigation fluviale (selon Voies navigables de France).
Hexplo, Hourrail !, Click & Boat
En France, où les transports sont les principaux émetteurs de CO2, totalisant 39 % des émissions totales du pays selon l’ADEME, les entrepreneurs s’engouffrent dans la brèche, et les start-up se multiplient pour s’adresser à ces voyageurs en quête d’expériences alternatives : Hexplo pour les vélos, Hourrail ! ou Mollow pour le train, Click & Boat pour voyager sur l’eau…
« Au-delà des différences, des points communs rassemblent ces secteurs : des convictions semblables – vivre une expérience unique, une recherche de l’authenticité », etc. – ; le mode de déplacement « doux » peut devenir un but en soi ; c’est un tourisme des beaux jours, d’avril à octobre, avec des séjours plutôt dans de petits hébergements et des dépenses moyennes supérieures à la moyenne des touristes », estime celui qui est également l’auteur de « Réinventer le tourisme. Sauver nos vacances sans détruire le monde » (Edition du Faubourg, 2021).
« Limiter, avant d’éliminer » les émissions
En ce qui concerne l’exemple des croisières, petit poucet du « slow tourisme » en termes de popularité, les compagnies multiplient les efforts et les investissements afin de réduire leurs émissions polluantes. Mais la décarbonation totale du secteur devra attendre encore quelques années, alors que le secteur s’est fixé d’ambitieux objectifs en la matière, et que 10 à 20 % de la pollution sont émises lorsque les bâtiments sont au port.
Pour Rivages du Monde, qui transporte chaque année environ 14.000 passagers, « l’enjeu n’est pas d’éliminer mais de limiter au maximum et de compenser volontairement ce qui ne peut pas être éliminé. La première phase repose sur l’évolution des technologies, qui tendent progressivement à limiter l’utilisation des carburants fossiles et au minimum à en améliorer la qualité afin que les effets négatifs sur l’environnement soient moindres. » Et Alain Souleille, fondateur du croisiériste, de rappeler que cela concerne la technologie des moteurs et propulseurs, mais aussi la possibilité de se brancher à quai sur des bornes d’électricité – lorsque celles-ci existent – afin de ne pas utiliser les générateurs.
Rallier la Corse à la voile
« L’empreinte carbone d’un voyage est extrêmement variable, souligne-t-il également, car de nombreux éléments sont à prendre en compte, notamment le moyen de transport utilisé pour se rendre sur place mais aussi le nombre de passager utilisant ce moyen de transport. » Attention aux idées reçues également, car pour les amoureux de la Corse par exemple, le choix n’est pas si évident.
Selon le site BonPote.com, qui propose le seul simulateur d’empreinte carbone des voyages en ferry, si le coût environnemental d’un aller-retour Toulon-Ajaccio ou Nice-Bastia est moins élevé en ferry qu’en avion, celui-ci varie grandement en fonction de la place occupée à bord : si vous choisissez d’embarquer votre voiture, de voyager dans une cabine et de profiter des services à bord… De quoi parfois renverser la vapeur et donner l’avantage à l’avion – même si le coût environnemental des trajets aériens augmente lui aussi au gré des options supplémentaires.
Autre option pour aller sur l’Ile de Beauté en prenant son temps : la coopérative Sailcoop qui propose de relier la Corse au continent à la voile – mais il faut au moins dix-sept heures pour atteindre Calvi. Sachant que pour une part grandissante de voyageurs, la notion de temps évolue aussi puisque le déplacement fait partie intégrante des vacances. Le voyage devient même une fin en soi.
L’émergence du « bleisure »
Dans cette démarche vertueuse, les consommateurs ne font pas cavalier seul. Les entreprises s’ouvrent petit à petit au « bleisure », mot-valise associant « business » (les affaires) et « leisure » (loisirs), ou les velléités d’allier déplacements professionnels et voyage loisir. Une tendance que les actifs avaient déjà adoptée, pour « lier l’utile à l’agréable », explique William Edel, PDG de l’agence de voyages d’affaires Wagram Voyage. « C’est une dynamique de fond, les professionnels travaillent pendant leur temps de trajet, honorent leurs obligations professionnelles avant de s’octroyer une fois sur place une parenthèse de décompression. »
Enfin, une entreprise française expérimente depuis le début de l’année les TTR, ou Temps de Trajet Responsable. Les salariés peuvent poser des congés en plus, s’ils présentent la preuve qu’ils voyageront de manière responsable pendant ceux-ci. Concrètement, les 28 salariés de la start-up spécialiste du coworking peuvent bénéficier de deux journées, pouvant se scinder en quatre demi-journées, s’ils présentent la preuve qu’ils ont fait le choix de voyager de manière responsable, c’est-à-dire prendre le train ou faire du covoiturage plutôt que l’avion.
Mais attention, ces journées supplémentaires ne sont pas totalement considérées comme des congés. Elles s’apparentent à des journées « semi-off » où le collaborateur sera invité à travailler seulement s’il en a la possibilité (travailler sur ordinateur si la connexion wifi du train est bonne, lire une étude ou réfléchir à un sujet de fond). Si les TTR permettent de réduire le coût écologique, ils n’en représentent pas moins un coût économique pour l’entreprise. Chez Ubiq, ce dernier est estimé entre 600 et 700 euros par salarié et par an.
[ad_2]
Source link