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La députée écologiste tout comme son collègue insoumis Aymeric Caron reçoivent régulièrement de nombreuses de photos de barbecue ou autre plat de viande. La réduction drastique de la consommation de viande ne passe pas chez les amateurs qui disent refuser de « culpabiliser ». BFMTV.com a tenté de comprendre le phénomène.
« Sur Twitter, Facebook, par mail, par La Poste. J’ai reçu des milliers de photos de viande sanguinolente. J’ai arrêté de compter ». C’est ainsi que la députée écologiste Sandrine Rousseau nous résume la réception quotidienne de ces images d’entrecôtes, de saucisses ou de barbecue.
Difficile de passer à côté si l’on regarde la présence de l’élue de Paris sur les réseaux sociaux. En allant dans ses mentions, on tombe en une seule journée sur pas moins d’une vingtaine d’illustrations en pleine torpeur estivale marquée par une accélération du réchauffement climatique.
De quoi même permettre de faire un montage avec toutes les photos reçues pour illustrer les incendies historiques en Grèce ou de faire « un petit échantillon » des illustrations partagées en une après-midi.
« Les écolos sont allés tellement loin que je rêve la nuit de Sandrine Rousseau. Je vois une entrecôte et je pense à elle. C’est grave. J’assume de la pourrir avec des photos de charcuterie. On est libre de manger ce qu’on veut », explique Tom, un usager de Twitter, coutumier de ces envois.
« On en arrive à culpabiliser de faire un simple barbecue »
L’envoi de ces images a commencé pendant la campagne présidentielle de 2022. En réponse au candidat communiste Fabien Roussel qui juge qu' »un bon vin, une bonne viande, un bon fromage, c’est la gastronomie française », Sandrine Rousseau lui reproche des propos pas « inclusifs ».
A l’été dernier, les photos de saucisses prennent encore une autre ampleur. L’ex candidate à la primaire écologiste appelle lors des universités des écologistes à « changer de mentalité pour que manger une entrecôte cuite sur un barbecue ne soit plus un symbole de virilité ». Les chiffres ont beau lui donner raison – les hommes mangeant beaucoup plus de viande que les femmes -, les réseaux sociaux s’enflamment.
« J’ai vu une photo sur Facebook de barbecue et j’ai pensé immédiatement à Sandrine Rousseau. C’est hallucinant quand même. On en arrive à culpabiliser de faire un simple barbecue qui est pourtant sensé être un moment festif », explique ainsi Sylvain Lebas, un internaute, adhérent à Renaissance.
« Des hommes tous contents de m’envoyer leurs photos de barbecue »
« Et alors, nous faire culpabiliser, nous, les hommes alors que chez moi, c’est ma femme qui allume le barbecue. Ça suffit à la fin », s’agace encore cet inspecteur de l’Éducation nationale.
Aymeric Caron, ancien journaliste très impliqué dans l’antispécisme et désormais député La France insoumise, est également dans le viseur. « Il y a une dizaine d’années, je recevais déjà des messages d’insultes, notamment d’éleveurs qui me disaient que je cherchais à les faire mourir économiquement », avance le parlementaire.
« Désormais, ce sont des messages de gens de tous horizons, des hommes en général, une bonne partie d’extrême droite, contents de m’envoyer la photo de leur steak ou de leur jambon. »
« On va pas tous bouffer des graines »
Ce militant pour l’éthique animale qui dit avant tout « ne plus manger de viande depuis 30 ans au nom des intérêts des animaux », a même donné un nom à ce phénomène: le « steakibitionnisme ».
« Aymeric Caron passe sa vie à nous faire la morale. Laissez-nous vivre. On va pas tous bouffer des graines. La viande, c’est bon, j’aime ça donc j’en mange », avance Frédéric qui a envoyé « au moins 20 photos de barbarque » au député insoumis.
Les internautes qui envoient ces photos n’y voient pourtant aucun cyberharcèlement. « J’ai envoyé une photo de barbecue et c’est elle qui me traite de fruit de mer. Franchement… », s’agace ainsi Sylvain Lebas lui-même fondateur d’une association de lutte contre le harcèlement, qui s’est vu taxer par Sandrine Rousseau de « QI de pétoncle ».
Une pratique répréhensible pénalement
Juridiquement, l’envoi répété de photos tombe pourtant sous le coup de la loi. Le cyberharcèlement est « un acte agressif, intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d’individus au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule », précise le site officiel de l’administration française.
Si Sandrine Rousseau et Aymeric Caron disent tous deux ne pas en souffrir d’un point de vue psychologique, la députée écologiste évoque « son collaborateur parlementaire 100% vegan (une personne qui ne mange aucun aliment d’origine animale, NDLR) qui commence à avoir vraiment du mal à ouvrir des courriers avec des photos sanguinolentes de viande ».
Le phénomène a beau être récent en France, il n’a rien de nouveau outre-Atlantique. Pendant la campagne présidentielle de 2016, des soutiens de Donald Trump s’affichent régulièrement autour de photos de barbecues.
« La viande, un marqueur culturel très exacerbé »
Deux ans plus tard, le sénateur Ted Cruz, très connu aux États-Unis, publie plusieurs posts où on le voit faire griller une tranche de bacon sur le canon de son fusil d’assaut avant que des centaines de fans ne partagent des photos directement inspirées de cette scène.
« La viande est un marqueur culturel dans de nombreux pays comme aux États-Unis mais encore plus en France », décrypte Clémentine Hugol-Gential, professeure à l’université de Dijon et spécialiste des pratiques alimentaires.
« On est à la fois dans une dimension économique et gastronomique », explique encore l’universitaire.
L’agriculture, 3,4% du PIB français
Parmi les plats préférés des Français, on retrouve d’année en année la raclette en premier, régulièrement suivi du poulet-frites, du foie gras, du cassoulet ou encore de l’aligot. Aucun plat végétarien n’est présent, à l’exception de la pizza qui peut être cuisinée seulement avec des légumes. Ce goût pour les plats carnés s’explique notamment par des raisons historiques et économiques.
« L’industrie de la viande a été soutenue financièrement après la seconde guerre mondiale par l’État. Le gouvernement a, en parallèle, veillé à la consommation pour créer des débouchés économiques », analyse Lucie Wiart, auteur d’une thèse sur les alternatives à la viande.
Aujourd’hui, le poids du secteur agricole en France représente pas moins de 3,4% du PIB national. L’Hexagone est par ailleurs le premier producteur européen de viande bovine, d’après les chiffres de la Commission européenne.
« Un imaginaire autour de la viande qui rend fort »
« On a oublié que jusqu’au début des années 1950, la viande était un produit relativement exceptionnel dont la consommation renvoyait à des jours de fêtes. Peu à peu, on s’est habitué à la consommer quotidiennement », fait encore valoir la docteur en sciences de gestion.
« Et puis, on a créé un imaginaire autour de la viande qui rend fort, qui donne la santé. Remettre en cause cela, c’est aussi s’attaquer à des choses profondément ancrées dans notre société. Ce n’est pas rien, on touche à l’intime », partage Clémentine Hugol-Gential, professeure à l’université de Dijon.
En moyenne, les Français mangent 85 kilos de viande dont 22 kilos de bœuf d’après les Nations unies. Si ce chiffre est devant la moyenne européenne, il est en nette baisse ces dernières années. En 1998, l’année du pic de consommation de viande en France, la consommation atteignait 94 kilos par habitant.
« Faire réfléchir aux raisons qui poussent à consommer de la viande »
L’alimentation représente d’ailleurs 24% des émissions de gaz à effet d’un ménage français, selon les estimations de l’Ademe. Et la consommation de viande fait lourdement monter l’addition. Elle représente pas moins de la moitié des gaz à effet de serre que dégage notre assiette. De quoi faire réfléchir alors que le continent européen se réchauffe deux fois plus que la moyenne mondiale.
La production d’un kilo de viande émet de cinq à dix fois plus de gaz à effet de serre que celle d’un kilo de céréale, calcule ainsi l’Ademe qui voit dans la baisse de la consommation de viande voire son arrêt total un levier important pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C d’ici 2050.
« On voit bien que quand on dit que les hommes mangent plus de viande, ça fait réfléchir largement sur les raisons qui poussent à en consommer », veut croire Sandrine Rousseau qui ne se dit cependant pas végétarienne.
« Je ne cuisine plus de viande chez moi mais je peux en manger ailleurs, notamment chez mon père qui ne sait pas cuisiner autre chose », précise-t-elle.
Une diminution pour espérer limiter le réchauffement climatique
La députée dit « assumer entièrement sa stratégie de clivage qui permet de poser le débat dans l’urgence climatique et va continuer ». Aymeric Caron n’est pas tout à fait d’accord. « Attention à ne pas cornériser le sujet avec des arguments qui n’apportent rien et détournent de l’essentiel ».
L’université d’Oxford préconise une diminution de 90% de la consommation de viande pour parvenir à limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C d’ici 2050. L’étude de l’Institut du développement durable et des relations internationales, elle, pointe plutôt vers une diminution de 50%.
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