[ad_1]
Pour louer comme pour acheter un bien immobilier, les conditions se durcissent et l’enveloppe des ménages français s’amenuise. Aujourd’hui, le marché locatif n’a jamais été aussi tendu et près d’une demande de prêt immobilier sur deux est désormais refusée par les banques. Des Français racontent à BFMTV.com en quoi cette crise entrave leurs projets de vie et endommage leurs relations familiales.
Quand il entend les anciennes générations se targuer d' »avoir bossé toute leur vie » pour pouvoir se payer leur maison, Oscar Berrada ne peut pas s’empêcher de soupirer. « Qu’est-ce qu’ils s’imaginent? Moi aussi je bosse, je fais 70h par semaine et à 35 ans, je ne peux toujours pas accéder à la propriété. Ou bien si, pour acheter un studio… », a-t-il envie de leur répondre à chaque fois.
Pourtant à 35 ans, ce directeur dans le jeu vidéo gagne très confortablement sa vie, avec 4500 euros de salaire net mensuel, un salaire largement au dessus du salaire médian des Français qui s’élève à 1850 euros par mois en 2023, selon l’INSEE.
Des garanties démesurées pour des biens médiocres
Même trouver un appartement à louer est devenu un véritable parcours du combattant pour ce directeur créatif qui travaille dans le jeu vidéo, qui vient de mettre deux mois et demi à trouver un appartement de 62m² à louer pour 1990 euros dans le 10e arrondissement de Paris. « Avec ma compagne, on n’en revient toujours pas. Les propriétaires ont des attentes complètement démesurées », déplore ce trentenaire.
« On a dû prouver qu’on gagnait bien 3 fois le montant du loyer, présenter deux garants avec leurs avis d’impositions, leurs salaires et même l’historique de paiement de leurs loyers… Mais ça ne s’arrête pas là: certains nous ont aussi demandé une lettre de motivation ». Pourtant, la qualité des biens visités était parfois loin d’être au rendez-vous à en croire le couple, avec des DPE (diagnostics de performance énergétiques) catastrophiques, des cuisines minables ou des espaces minuscules.
« Il y a un problème d’offre », pour ce directeur créatif. « Pour visiter certains appartements, il y avait la queue dans l’escalier sur cinq étages, alors qu’on cherchait quand même des appartements à un certain prix, qui ne sont pas forcément dans le budget des étudiants ».
À son âge, Oscar Berrada aurait de loin préféré déménager pour acheter, ne serait-ce que pour s’assurer une sécurité matérielle, et pour éventuellement envisager de fonder une famille. « Aujourd’hui la question ne se pose pas pour nous, on estime que les conditions ne sont pas réunies. Si même dans notre situation, on n’arrive pas à atteindre la sécurité du logement, alors on ne peut pas se projeter avec un enfant… surtout dans un contexte aussi instable qu’actuellement ».
« Beaucoup préfèrent attendre que la tempête passe »
« Le secteur de l’immobilier est dans la tourmente », confirme Kevin Lagadex, courtier en prêt immobilier basé à Gisors (Eure), qui exerce à la fois dans les Hauts-de-France, la Normandie et l’Île-de-France. À cause de la hausse des taux d’intérêt et du taux d’usure, Kevin Lagadex est contraint de refuser de plus en plus de dossiers, dès qu’il réalise que ceux-ci ne passeront pas auprès des banques. S’il essaie de « limiter la casse », le courtier ne cache pas qu’il fait face à « un véritable trou d’air » en termes de chiffre d’affaires ces derniers mois.
« Le nombre de personnes à avoir acheté une résidence principale était en chute libre l’année dernière. Et ça bloque encore, même pour des super profils comme des chefs d’entreprise. Une grosse part de nos estimations ne viennent pas à bout parce qu’il y a une inadéquation entre la capacité d’emprunt des gens et le prix des biens, qui peinent à baisser. On voit de potentiels acquéreurs hypermotivés… puis on entend plus parler d’eux. Pour vendre ou pour acheter, beaucoup préfèrent attendre que la tempête passe ».
C’est précisément ce que compte faire Véronique. À 43 ans, cette femme vit seule avec son fils de trois ans dans un studio de 18m² dans le 19e arrondissement de Paris acheté en 2019, peu avant de tomber enceinte. Aujourd’hui, elle souhaiterait revendre son bien dans l’idée d’acheter ou de louer un peu plus grand.
« La semaine dernière, un agent immobilier m’a annoncé que mon appartement avait déjà perdu au moins 6 à 7% de sa valeur, soit environ 20.000 euros! », fulmine cette femme qui travaille dans le tourisme. « Je suis sortie du rendez-vous en pleurant. Hors de question que je le vende maintenant et que je brade mon bien ».
Dans le même temps, la quadragénaire se sent « bloquée » par le fait d’être propriétaire puisque cela joue en sa défaveur dans sa demande de logement social, auquel elle est pourtant éligible. « Je suis tout en bas de la pile! », soupire-t-elle. Véronique en vient à regretter l’achat de ce petit studio parisien, qu’elle voyait il y a encore quelques années comme « une décision de sécurité ». Aujourd’hui, sa vie sociale et celle de son fils sont limitées par leur surface de 18m². À cause de la taille de leur logement, elle n’ose ni inviter des amis à elle, ni des camarades de classe de son petit garçon, « par crainte d’être jugée » ou « de devoir justifier leur situation ».
Couples sous tension, familles dans l’impasse
Justin* et son épouse sont eux aussi complètement minés par la crise immobilière. À 38 et 36 ans, ils vivent avec leurs trois enfants de 13, 12 et 9 ans dans une petite maison de trois chambres de 60m² à Rouen, pour 720 euros par mois. Le couple dort depuis des années sur le canapé-lit du salon pour que chacun de leurs enfants ait sa propre chambre. Aujourd’hui, ils aimeraient louer plus grand mais cela est devenu hors de leur portée avec la hausse des prix du marché locatif.
« On est complètement coincés », confie Justin, ancien agent commercial de 38 ans qui en vient à regretter aujourd’hui la reconversion professionnelle qu’il a entrepris il y a trois ans pour devenir travailleur social. « Pendant le Covid, j’ai voulu me lancer dans une carrière qui avait plus de sens pour moi, quitte à gagner un peu moins. Malheureusement aujourd’hui c’est moi et ma famille qui en payons le prix ».
« Acheter c’est quasi impossible pour nous car nous n’avons pas assez d’apport », détaille-t-il. « Et louer une maison avec 4 chambres à Rouen, ça coûte maintenant entre 1100 et 1200 euros par mois, quasiment mon salaire. C’est inconcevable ». À BFMTV.com, Justin juge tout de même « aberrant » de ne pas pouvoir se loger dignement ou d’acquérir son propre chez-soi alors que lui et sa femme n’ont jamais arrêté de travailler depuis la fin de leur adolescence.
Dans ces conditions, pas question pour eux d’envisager un 4e enfant, comme ils le souhaiteraient pourtant. « On aimerait bien, mais on le mettrait où? Avec la conjoncture actuelle ça ne vaut pas le coup. On voit bien que c’est déjà suffisamment compliqué comme ça: par manque de place, il nous arrive de perdre un peu patience avec les enfants… Puis on fatigue, on sent tout de même qu’on dort sur un canapé ».
« Avoir mon chez-moi, j’en rêve mais c’est de plus en plus compliqué »
La crise de l’immobilier met également le couple d’Anthony Devers et sa copine à rude épreuve. À 24 et 25 ans, ces Normands ont fait le choix de vivre ensemble dans la maison familiale des parents du jeune homme, bien qu’ils soient tous les deux salariés. L’idée, pour cet électricien salarié près de Caen (Calvados), est d’économiser le plus possible dans l’espoir, un jour, d’accéder à la propriété.
À 3.300 euros de revenus net à deux, le couple est conscient qu’il ne pourrait actuellement emprunter qu’entre 130 et 140.000 euros, soit pas assez pour acheter ou faire construire la maison de leurs rêves dans la région, même petite. « Avoir mon chez-moi, j’en rêve mais malheureusement tous les ans je dois reporter mon projet », confie cet électricien, qui a « la fâcheuse impression que l’étau se resserre ».
« C’est de plus en plus compliqué. Je me dis qu’il va peut-être falloir qu’on achète dans l’ancien, que je retrousse mes manches et que je fasse tous les travaux moi-même, avec l’aide de mes amis ».
En attendant que la situation ne se débloque, le jeune homme « s’arrache au travail » et ne compte pas ses heures. Ces derniers mois, Anthony Devers tente même de lancer son activité à son compte en parallèle afin de « gratter le plus d’argent possible ». « On vit dans un espace de 30m² à deux. On s’en sort mais ce n’est clairement pas idéal. Ça crée des tensions au sein de la famille, c’est sûr. Quand on commence à travailler, on aimerait pouvoir étaler ses affaires, construire un chez-soi », explique-t-il encore.
Au-delà du sentiment de sécurité lié à l’accession à la propriété, Oscar Berrada attire l’attention sur « la qualité d’habitat » qui va selon lui de paire avec « le fait de posséder des choses ». « Si c’est mon logement, je ne vais pas regarder les murs avec frayeur à chaque fois que je dois mettre une punaise dedans », souligne ce locataire parisien. « À un moment, on a plus forcément envie de devoir supplier le bailleur ou le propriétaire pour qu’il daigne remplacer la moindre poignée de porte abîmée ».
Oscar Berrada et Anthony Devers s’étonnent tous les deux que la génération de leurs parents ait pu acheter avec tant de facilité, malgré une situation professionnelle loin d’être aussi stable ou confortable que la leur. « Ça ne crée pas de rancœur contre eux directement, mais ça nous met tout de même en colère… Une colère un peu diffuse, dont on ne sait pas trop vers qui elle est dirigée. Ça ne nous paraît pas être un problème irrémédiable… », souffle le trentenaire parisien. Pour lui, le pouvoirs publics devraient « s’y pencher avec un peu plus d’entrain. Parce que là, ça donne juste l’impression qu’on est nés à la mauvaise époque, et qu’on en paie le prix ».
[ad_2]
Source link