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On la dit au bord du défaut de paiement depuis deux ans. Acculée à céder aux réformes difficiles exigées par le Fonds monétaire international (FMI) pour obtenir des prêts. Pourtant, la Tunisie a surpris tous les observateurs et tient encore.
Mais jusqu’à quand et à quel prix ? En ce début d’année 2024, Tunis a dégainé un nouvel outil, peu orthodoxe, pour financer son déficit : le parlement a adopté mardi soir un amendement autorisant le financement direct du budget par la Banque centrale de Tunisie (BCT).
« Financer des investissements publics »
Le texte autorise la BCT à prêter « à titre exceptionnel » à l’Etat 7 milliards de dinars (2 milliards d’euros), remboursables sans intérêts en dix ans après une période de grâce de trois ans. Ces fonds serviront à financer partiellement le déficit budgétaire de 2024 (28,7 milliards de dinars) dont 16 milliards d’emprunts extérieurs sur lesquels 10 milliards n’ont pas été trouvés.
La ministre des Finances, Sihem Boughdiri Nemsia, a assuré que ces fonds n’étaient « pas destinés à financer des dépenses courantes » : 3 milliards de dinars (900 millions d’euros) serviront à rembourser d’anciennes dettes étrangères et « une partie (du prêt) sera utilisée pour financer des investissements publics ».
Plus d’autres options
Tunis n’a plus guère d’autres options. Le président Kaïs Saïed a rejeté les « diktats » du FMI, autrement dit les réformes notamment de la fonction publique et de son système de subventions, demandées en échange d’un coup de pouce de près de 2 milliards de dollars, annoncé en octobre 2022, qui aurait ouvert la voie à d’autres financements européens.
Les négociations n’ont jamais abouti. La Tunisie a ensuite tenu grâce à des financements inattendus de l’Arabie saoudite, de l’Algérie, de la Banque africaine d’import-export Afreximbank (de l’ordre de 1,3 milliard de dollars au total) et probablement bientôt des Emirats arabes unis, mais aussi une saison touristique meilleure qu’attendu et des transferts importants de la diaspora tunisienne.
« La dernière chance »
« La Tunisie a des besoins de financement extérieurs parmi les plus élevés au monde, de l’ordre de 12 % du PIB cette année. Ils semblent impossibles à atteindre au vu des relations du pays avec ses partenaires et son manque d’accès aux marchés financiers », analyse Victor Lequillerier, économiste chez Bpifrance.
« C’est en quelque sorte la dernière chance. La Tunisie s’appuie sur ses fondamentaux pour éviter le défaut de paiement mais c’est une fuite en avant, car cela aura des répercussions sur les équilibres macroéconomiques qui vont se dégrader. »
Faibles réserves
Tunis prend en effet des risques : l’achat de dettes s’accompagne généralement de pressions inflationnistes et sur le change. Concrètement, la Banque centrale va puiser dans ses réserves de change. « Malheureusement, en Tunisie, elles sont très faibles, elles ne couvrent que trois mois d’exportation, ce qui est en général la limite, poursuit Victor Lequillerier. De plus, les perspectives sont inquiétantes car la Tunisie est exposée au ralentissement de l’économie en zone euro, son principal partenaire commercial. »
L’indépendance de la Banque centrale est de plus ébranlée, ce qui pourrait alimenter la défiance des investisseurs. Des pressions à la baisse sur le dinar pourraient avoir de lourdes conséquences dans un pays comme la Tunisie, qui importe son pétrole et son blé. De quoi alimenter de nouveau l’inflation. Celle-ci, même si elle a décéléré, se maintient à des niveaux élevés, autour de 8 % sur un an.
Echéance le 17 février
En empruntant à domicile, Tunis s’épargne, de plus, les efforts nécessaires pour rééquilibrer son budget. Les réformes attendront encore. Peut-être après l’élection présidentielle, qui doit avoir lieu à l’automne. Le président Saïed, qui a imposé un virage autoritaire au pays depuis deux ans et demi, sera sans nul doute candidat à sa réélection.
A court terme, la Tunisie se donne en tout cas les moyens de payer ses dettes, comme elle l’a fait jusqu’à présent. Deux échéances sont particulièrement guettées cette année : un eurobond d’un montant de 850 millions d’euros à rembourser le 17 février, et un emprunt de 50 milliards de yens mi-octobre.
« Pour 2024, peut-être que ça passera, et encore, si tout va bien sur les cours du pétrole et du blé », commente un bon connaisseur du pays. « Mais quid de la santé économique du pays à la fin de l’année ? On avance dans un environnement fragile, qui peut craquer à tout moment. »
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