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Publié le 5 déc. 2023 à 7:05
Des rentabilités incertaines, une pression de plus en plus forte des parties prenantes, des besoins de financement gigantesques. Dans l’énergie, atteindre les objectifs de diminution des émissions de CO2 réclame de doubler l’effort d’investissement actuel pour dépasser les 1.000 milliards de dollars de dépenses, a calculé BNEF dans un rapport publié la semaine dernière. Dans l’automobile, c’est 610 milliards de dollars que les constructeurs prévoient d’injecter dans l’électrification de leurs gammes d’ici à 2030. Ce à quoi il faut rajouter 500 milliards pour les gigafactories de batteries, d’après Reuters.
Pour les entreprises les plus exposées, que ce soit dans l’énergie ou l’automobile, ne pas faire sa transition vers la décarbonation, c’est s’exposer à voir ses actifs s’échouer faute d’avoir su prendre le bon courant au bon moment. Et disparaître à terme. Tous ont à l’esprit l’exemple de Kodak , qui n’a pas su migrer à temps vers le numérique.
La transition énergétique commence par une guerre des capitaux. Pour ériger des éoliennes par centaines en pleine mer – bien moins rentables que les forages pétroliers offshore. Pour produire aux coûts les plus serrés possibles des voitures électriques – bien plus coûteuses que leurs consoeurs thermiques, batteries oblige. « La transition énergétique étant très intensive en capex, il faut être au laser sur le coût du capital », prévient Quentin Derumaux, associé chez Julhiet Sterwen.
Le Graal de l’autofinancement
« Les acteurs suffisamment mûrs dans leur capacité à dégager des free cash-flows récurrents, qui ont fait les efforts nécessaires en amont pour assainir leur situation financière et industrielle, sont en mesure de financer leur transition sur leurs fonds propres, observe Pierre Schang, gérant chez Tocqueville Finance (LBP AM). Ceux, en revanche, qui n’ont pas atteint la taille critique ou n’ont pas redressé leur situation financière se retrouvent obligés de faire appel au marché. »
Parmi la première catégorie, on retrouve, par exemple, Stellantis (issu de la fusion entre PSA et Fiat-Chrysler), redressé d’une main de fer par son patron Carlos Tavares depuis le mitan des années 2010, qui a affiché en 2022 pas moins de 10,8 milliards d’euros de free cash-flow. On y retrouve aussi TotalEnergies , qui peut afficher 4 milliards de dollars d’investissements par an dans les énergies renouvelables grâce aux revenus tirés du gaz et du pétrole (respectivement 24 % et 18 % de rendement observés).
« Plus une grande entreprise est intégrée, plus elle a de chances d’être profitable, rappelle Bernard Jullien, universitaire et grand spécialiste de l’automobile. La très grande entreprise peut faire face aux ruptures technologiques grâce à ses produits vaches à lait issus d’anciens investissements. »
« Un mur d’investissements »
Toutefois, même ces géants n’investissent pas seuls dans leur transition. Stellantis s’est allié à TotalEnergies et Mercedes pour financer son approvisionnement de batteries, à travers la coentreprise ACC (7 milliards d’investissements à terme rien que pour l’usine française). De son côté, TotalEnergies développe ses projets d’éolien offshore, qui atteignent pour les plus gros d’entre eux plus d’un milliard d’euros, en partenariat avec Macquarie. Un procédé incontournable dans le secteur.
La transition change toutefois un peu la donne. « Les industriels font face à un tel mur d’investissements qu’ils s’ouvrent à des partenariats avec des fonds qui ont une vision de long terme, observe Laurent Chatelin, associé chargé de l’infrastructure chez Eurazeo. Certains y font même parfois appel pour financer leurs usines. » Comme le jeune champion français des batteries, Verkor, qui a accueilli à son capital les fonds Meridiam, Macquarie, Crédit Agricole Assurances et le FSP.
Ca tombe bien, les fonds sont de plus en plus attentifs à ces sujets, note Sylvain Lambert, associé chez PwC qui, depuis trente ans, prodigue aux entreprises ses conseils en stratégies RSE. « Les fonds d’investissement font désormais très attention dans les due diligence à la résilience des marchés sur lesquels se trouvent les entreprises qu’ils rachètent. La moyenne de détention des entreprises, selon France Invest, étant de quatre à cinq ans, les fonds doivent se préoccuper de leur positionnement à l’horizon 2028-2030 pour sécuriser la valeur de l’actif à sa revente, c’est-à-dire de la situation de leur marché une dizaine d’années en avance. C’est un grand changement d’optique de raisonner à si long terme. »
D’autres entreprises, moins grosses, moins riches, optent pour des stratégies de financement plus radicales, comme le spin-off. L’énergéticien Eni prépare depuis des mois la mise en Bourse de Plenitude, qui sera dotée de ses actifs renouvelables. L’EDF imaginé dans le projet Hercule, abandonné courant 2022, prévoyait également une mise en Bourse des activités « vertes » pour financer l’installation d’éoliennes et de panneaux solaires.
Miser sur la Bourse
C’est plus novateur dans l’automobile. Le patron de Renault, Luca de Meo, mène sa « Renaulution » avec la même stratégie. A savoir, la séparation formelle des activités liées à la voiture électrique et aux logiciels dans une filiale qui serait partiellement mise en Bourse et baptisée Ampere.
Premier avantage évident de cette opération : lever des fonds. Corollaire, « l’entreprise valorise plus rapidement la recherche et d éveloppement réalisée les années passées pour réaliser sa transition », remarque Christopher Dembik, conseiller investissement chez Pictet AM. D’autre part, en sortant les activités « ESG compatible », cela permet d’attirer des investisseurs rebutés par l’activité historique.
Une autre guerre des capitaux
Un point fortement mis en avant par Renault. Lors de la journée investisseurs du 15 novembre, le directeur financier a mis en valeur le passage au « net zéro » d’ici à 2035, la transparence dans la chaîne d’approvisionnement… avec l’ambition manifeste d’attirer des fonds jusque-là rétifs à investir dans l’automobile. Même discours chez Eni pour Plenitude. Revers de la médaille, il faudra ensuite partager les bénéfices avec les co-investisseurs.
Une autre guerre des capitaux se dessine en creux, prévient Sylvain Lambert, de PwC. « La transition vers des activités non carbonées d’avenir trouvera toujours des financeurs mais en revanche, personne n’est prêt à financer l’extinction d’activités carbonées vouées à disparaître, la fermeture d’entreprises qui n’auront pas réussi à se repositionner. Or les enjeux sociaux sont importants. » Sur ce dernier point, il juge que l’émergence à la COP27 et confirmé à la COP28 de Dubaï d’un Fonds pertes et dommages est une première réponse macroéconomique.
Guillaume Guichard avec M.Q.
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