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Le volet « régularisation » du projet de loi immigration, dont l’examen au Sénat débute lundi, remet le travail des sans papiers au cœur du débat.
C’est une mesure qui divise. L’article 3 du projet de loi immigration, qui est soumis au Sénat à partir de ce lundi, prévoit de régulariser une partie des travailleurs sans papier exerçant des « métiers en tension ». Un article qui déplaît à droite et sur lequel l’exécutif pourrait finalement rétropédaler en le supprimant du texte.
Mais décidé à ne pas totalement renoncer à cette mesure, le gouvernement devrait opter pour la voie réglementaire. « Est-ce que cela passe par la loi, le décret ou le réglement? Je suis ouvert sur les modalités », déclarait ainsi le ministre du Travail Olivier Dussopt dans les colonnes du Télégramme dimanche 22 octobre.
Car c’est une réalité aujourd’hui en France: des milliers d’étrangers sans titre de séjour travaillent, reçoivent des fiches de paie chaque mois et cotisent, sans aucun droit en retour. La semaine dernière, des centaines de travailleurs embauchés sur le chantier de L’Arena à Porte de la Chapelle -un site clé pour les JO Paris 2024 également future résidence du club Paris Basketball- lançaient un mouvement de grève pour obtenir leur régularisation.
Combien sont-ils aujourd’hui en France? Comment parviennent-ils à travailler et que changerait la création d’un titre de séjour « métiers en tension » pour eux?
Combien de personnes sont concernées?
Le nombre de travailleurs sans papiers est très difficile à évaluer étant donné qu’aucune donnée officielle n’existe sur le sujet. Toutefois, il en existe des estimations. La CGT chiffre ainsi à environ 700.000 le nombre de travailleurs sans papiers en France. Un article du Monde de novembre 2022 citait une fourchette de 400.000 à un million pour quantifier le nombre d’étrangers en situation irrégulière, qu’ils travaillent ou non.
Pour Amadou Ndiaye, avocat spécialisé dans le droit des étrangers, ce nombre est « énorme » et résulte de la série des crises migratoires survenues depuis 2010 en Europe. Dans tous les cas, il semble que ces travailleurs représentent une proportion non négligeable des emplois en France, répartie de façon variable selon les secteurs.
« 4% des emplois sont occupés par des étrangers non communautaires », affirmait ainsi Olivier Dussopt dans le Télégramme.
« Dans certains métiers, ils sont surreprésentés: 25% des commis de cuisine, 24% des femmes et hommes de ménage. Dans tous ces secteurs nous avons du mal à recruter », détaillait aussi le ministre.
Comment ces personnes se font-elles embaucher?
« Souvent ces personnes ont signé des contrats de travail à un moment où elles avaient des papiers, puis les papiers n’ont pas été renouvelés pour une raison ou une autre », indiquait Olivier Dussopt sur Franceinfo le 17 octobre, pour justifier leur régularisation.
Toutefois, selon Me Amadou Ndiaye, cette situation n’est pas la plus courante. « La plupart n’ont jamais eu de papiers », indique-t-il. Ils peuvent ainsi faire appel à un prête-nom et utiliser l’identité et le numéro de sécurité sociale d’un proche. Mais les employeurs sont souvent au courant ou ferment les yeux volontairement. « Il arrive même que ce soit eux qui conseillent à leurs employés illégaux ce type de manoeuvre », assure Me Ryamond Cujas, avocat spécialiste du droit des étrangers.
Une situation qui s’explique avant tout par des difficultés de recrutement et d’importants besoins en main d’oeuvre dans des secteurs dits en tension que sont le BTP, l’hôtellerie-restauration, la propreté, la manutention ou l’aide à la personne.
« Si ces immigrés travaillent tout de même, c’est pour survivre et parce que les employeurs ont besoin de salariés. Les pouvoirs publics ferment les yeux ou ignorent leur situation en raison du caractère indispensable de ces travailleurs pour notre économie et pour répondre aux besoins sociaux », dénonçaient des parlementaires, dans une tribune publiée dans Libération le 11 septembre dernier.
Les signataires issus de plusieurs partis politiques allant du PC au Modem fustigeaient une « hypocrisie collective » qui entraîne leur « précarisation ».
« Ce système mis en place depuis quinze ans favorisent le maintien de conditions de travail délétères que des travailleurs en situation régulière n’accepteraient pas », souligne aussi le secrétaire confédéral de la CGT Gérard Ré.
Pourquoi ne sont-elles pas régularisées?
Aujourd’hui, un étranger peut faire une demande de régularisation lorsqu’il travaille dans les conditions définies par la circulaire dite Valls de 2012 et obtenir une carte de séjour au titre de l’admission exceptionnelle au séjour. Mais il faut pour cela qu’il puisse répondre aux critères définis par la circulaire et justifier de plusieurs années de travail sur le territoire français, alors même que cela est interdit par la loi.
« L’administration répond par pragmatisme à une situation qui existe », estime Me Amadou Ndiaye.
Dans le détail, le dossier de demande doit contenir huit fiches de paie en cas de présence sur le territoire au moins égale à cinq ans, ou vingt-quatre, pour trois années de présence.
Tout travailleur sans papiers qui veut faire une demande de régularisation via une admission exceptionnelle au séjour par le travail, doit également obtenir une « autorisation de travail » de son employeur. Ce document, que beaucoup n’arrivent pas à obtenir, met donc entre les mains de l’employeur, qui les fait travailler de façon illégale, leur régularisation.
Toutefois, même si le demandeur parvient à réunir tous ces justificatifs, cela ne garantit en rien l’obtention d’un titre de séjour.
« Il ne s’agit pas d’une régularisation de droit mais d’un pouvoir discrétionnaire accordé aux préfectures », explique Me Amadou Ndiaye.
Autrement dit, la délivrance de ce titre de séjour exceptionnel est à l’appréciation du préfet qui peut décider de ne pas l’accorder, et ce, sans aucune justification.
Sans compter que les démarches sont compliquées à réaliser. « L’admission exceptionnelle arrive en queue de peloton et c’est très compliqué d’obtenir un rendez-vous aujourd’hui », indique l’avocat spécialisé.
Que changerait l’article 3 ou son équivalent réglementaire?
Qu’elle soit adoptée dans le cadre du projet de loi immigration, ou sous forme réglementaire, la création d’un « titre de séjour métiers en tension » devrait permettre de systématiser la régularisation pour les travailleurs sans papier exerçant un métier considéré « en tension ». « Cette régularisation par le travail deviendrait un droit et non plus une appréciation de l’administration », indique Me Amadou Ndiaye.
Tels qu’ils sont définis dans le texte de loi, les critères d’obtention de ce titre de séjour devraient être assouplis et simplifiés par rapport à la circulaire Valls avec huit fiches de paie demandés à partir de trois ans de présence sur le territoire. Enfin, l’accord de l’employeur ne sera plus une condition nécessaire pour réaliser une demande de régularisation par le travail.
Il reste toutefois des points à éclaircir sur les conditions de délivrance de ce titre de séjour. Gérard Ré souligne le risque que « très peu de personnes » soient concernées et interroge l’éligibilité des intérimaires qui représentent selon lui « une majorité des travailleurs sans papiers ».
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