[ad_1]
Alors que la France s’enfonce dans une crise du logement de plus en plus profonde, les professionnels du secteur ont pour la plupart sèchement critiqué les annonces du Premier ministre Gabriel Attal.
« Des réponses insignifiantes ». C’est peu dire que l’Union sociale pour l’habitat (USH) a été peu convaincue par les mesures annoncées mardi 30 janvier par Gabriel Attal sur le logement. Dans un communiqué publié peu après le discours, l’organisation retient à peine ses coups, alors que les relations du monde HLM avec le gouvernement sont de plus en plus fraîches ces dernières années.
« A l’occasion de son discours de politique générale, le Premier ministre a bien voulu parler de la crise du logement. C’est une première prise de conscience de l’urgence que vivent des millions de Français », grince l’USH, qui représente 566 opérateurs HLM, qui détiennent et gèrent 4,8 millions de logements locatifs et logent environ 10,2 millions de personnes.
Cependant, « au lieu de revenir sur les réformes du premier quinquennat (…), qui ont mis à mal durablement le logement social, le Premier ministre fait le choix d’une annonce totalement décalée », fustige l’USH, pour qui « rien n’est avancé pour accélérer la production de logements sociaux et répondre aux 2,6 millions de demandeurs » en attente d’une attribution de logement social à fin 2023, un record historique.
« Réguler un marché devenu incontrôlable »
Parmi les mesures annoncées, Gabriel Attal prévoit de « simplifier massivement les normes », en revoyant les diagnostics de performance énergétique (DPE), en simplifiant l’accès à MaPrimeRénov mais aussi en créant « 30.000 logements d’ici trois ans dans vingt territoires ».
« Les 30.000 logements attendus (…) ne représentent même pas le déficit d’agréments de logements sociaux de l’année 2023 », a observé l’USH en rappelant que « depuis 2018, le nombre d’agréments (…) n’a cessé de baisser, tombant à 82.000 en 2023 pour un objectif de 110.000 ».
Sur le logement social, Gabriel Attal a par ailleurs annoncé « un nouveau prêt de très long terme de 2 milliards d’euros » pour répondre à l’envolée des coûts du foncier. Mais pour Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH, cela revient à proposer « des prêts toujours plus longs, à payer toujours plus cher », au lieu de « réguler un marché devenu incontrôlable ».
« Je note que le Premier ministre a oublié de rappeler que l’Etat ponctionnait 1,3 milliard chaque année dans les comptes des bailleurs sociaux ». L’USH fait ici référence à ce qu’on appelle le dispositif de « réduction de loyer de solidarité » (ou RLS). Derrière ce terme se cache la baisse de 5 euros par mois et par foyer des APL décidée en 2017. Pour compenser cette baisse des aides personnalisées au logement pour les locataires du parc HLM, le gouvernement a imposé au secteur du logement social de baisser les loyers dans les mêmes proportions. Autrement dit, ce sont les bailleurs sociaux qui ont pris à leur charge cette baisse des aides. Ce qui a plombé leurs capacités d’investissement pour construire de nouveaux HLM.
Tensions sur la loi SRU
Le Premier ministre envisage aussi de « faire évoluer » le secteur pour « soutenir les classes moyennes », en donnant le pouvoir aux maires de choisir les premiers locataires des logements sociaux neufs sur leur commune, et en intégrant les « logements intermédiaires » dans le calcul des quotas de logements sociaux imposés à certaines communes par la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU).
Adoptée en 2000, cette loi emblématique de la politique de la ville oblige les communes en zone urbaine à avoir un taux minimal de logements sociaux (20% ou 25% selon les cas à horizon 2025). Aujourd’hui, de nombreuses communes ne sont pas dans les clous.
Les loyers des logements intermédiaires « sont bien trop élevés pour une grande majorité des classes moyennes », a estimé l’USH, rappelant qu’aujourd’hui, « seuls 3% des ménages en attente de logement social y sont éligibles ».
Les bailleurs sociaux ont également dénoncé une « nouvelle attaque » contre la loi SRU, estimant que le changement du mode de calcul « ne règlera en rien le retard pris pour la construction du logement social » et va « renforcer les ségrégations territoriales ».
« C’est scandaleux d’intégrer dans les quotas de la loi SRU les logements locatifs intermédiaires qui sont destinés plutôt aux classes moyennes, voire aux classes moyennes supérieures », a de son côté réagi auprès de l’AFP Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre.
Manuel Domergue a rappelé que « les trois quarts des demandeurs de logements sociaux attendent un logement très social ».
Un « mauvais signal » pour une députée de la majorité
« Il n’y avait déjà pas assez de logements sociaux et là on va donner l’opportunité à des maires qui ne veulent pas accueillir des pauvres sur leur territoire d’accueillir à la place des cadres », a-t-il ajouté.
Le président de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), Thierry Repentin, dénonce un plan qui « revient à reprendre des propositions faites sous la présidence de Nicolas Sarkozy ». « Le logement intermédiaire, compte tenu de son niveau de loyer et donc des revenus nécessaires pour l’assumer, concerne moins de 5% des demandeurs d’un logement social en France », déplore Thierry Repentin, ancien président de la Commission Nationale SRU.
La proposition ne fait pas non plus consensus dans les rangs de la majorité. L’annonce a ainsi été critiquée par la députée Stella Dupont (apparentée Renaissance), membre de l’aile gauche de la majorité.
Assouplir la loi SRU « me semble constituer un mauvais signal, risquant de mener à une baisse des constructions de logements sociaux », a-t-elle réagi dans un communiqué.
En ce qui concerne l’attribution des nouveaux logements sociaux, l’Association des maires de France (AMF) y trouve en revanche son compte. L’AMF a ainsi salué dans un communiqué « la reconnaissance de la compétence des maires en matière d’attribution de logements locatifs sociaux ». Actuellement, ces attributions sont décidées par des commissions regroupant des représentants du bailleur, du maire, de l’Etat et de l’intercommunalité.
La Fnaim s’insurge et défend les syndics
Dans son discours, Gabriel Attal annonce aussi un projet de loi qui concernera les syndics de copropriété. « Déverrouiller notre économie, c’est aussi conquérir de nouvelles libertés, refuser le principe de rente, être capable de continuer à transformer et libérer », estime le Premier ministre. Un projet de loi en ce sens sera examiné au printemps, avec pour but de « déverrouiller certaines professions comme les syndics ».
Sur ce plan, il est vertement repris par la Fnaim, la fédération nationale de l’immobilier. « Sur la simplification, le Premier ministre s’égare. L’urgence n’est pas à déverrouiller la profession des syndics mais à soutenir leur action et leur rôle déterminant dans la mise en œuvre de la rénovation énergétique des copropriétés. Ne nous trompons pas de combat », a prévenu Loïc Cantin, président de la Fnaim.
« Le logement subit de plein fouet une crise qui frappe durement nos compatriotes. Cette crise historique est la plus importante depuis la Seconde Guerre Mondiale », estime Loïc Cantin. « Malgré cette situation, le gouvernement n’a pas de feuille de route claire ni de moyens concrets. Il n’y a pas de volonté réelle de faire du logement une priorité », a-t-il dénoncé.
« À la veille du 70ème anniversaire de l’appel de l’Abbé Pierre, ses mots résonnent aujourd’hui plus que jamais: »Gouverner c’est d’abord loger son peuple » », ajoute-t-il encore, appelant à un « choc des solutions ».
« Au regard de l’urgence de la situation, les mesures proposées apparaissent en effet dérisoires et seule une approche dimensionnée, notamment autour d’une réforme de la fiscalité immobilière, pourrait être la réponse d’une relance du marché », a jugé pour sa part Sylvain Grataloup, président de l’UNPI, l’Union nationale des propriétaires immobiliers.
[ad_2]
Source link