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« Il y a quelques jours, un après-midi, j’ai vu une dizaine de policiers débarquer avec deux voitures sur la place du Champ-de-Mars. Pendant vingt minutes, ils ont vérifié les papiers de tous les groupes stationnés debout et sur les bancs. Il y avait des bandes de jeunes et quelques personnes plus âgées. Une fois qu’ils sont partis, la place est restée déserte un bon moment. C’est la première fois que j’assistais à un tel contrôle dans le centre-ville. » La scène a choqué Chloé Ravenel, une étudiante aux beaux-arts d’Angoulême qui avoue être « révoltée » par la politique de la ville.
Depuis sa publication, le 11 juillet, un arrêté municipal portant sur « l’occupation abusive de l’espace public » fait couler beaucoup d’encre. Désormais, dans une vingtaine de rues, places et jardins du centre-ville, « la station assis, allongé ou debout » est interdite , sous peine d’une amende de 35 euros, 150 en cas de récidive. Les « troubles sonores et à la salubrité publique » sont également visés, après des plaintes de commerçants.
L’arrêté municipal a été suspendu par la juge des référés du tribunal administratif de Poitiers lundi 7 août.
« L’espace public est privatisé par certains, cela doit cesser », assume l’avocat Jean-Philippe Pousset, adjoint au maire Horizons, Xavier Bonnefont. Dans sa ligne de mire, « les dealers, les marginaux alcoolisés et leurs chiens qui importunent les passants » et qu’il distingue des « mendiants ». Cet arrêté serait « le fruit de trois années de travail ». Une mesure « anti-regroupement » a en effet déjà été proposée en 2020, avant d’être annulée par la préfecture. En décembre 2014, la mairie avait aussi installé des grillages autour de plusieurs bancs, rapidement retirés à la suite de protestations.
Une restriction des libertés publiques depuis 2015
Cette fois-ci, l’opposition a pris la forme d’un référé-suspension, déposé par la Ligue des droits de l’homme (LDH) avec la Fondation Abbé-Pierre et Droit au logement. Il sera examiné par le tribunal administratif de Poitiers, le 1er août. Membre de la LDH, Luc Marteau se déclare « choqué » par cet arrêté « discriminatoire envers les plus précaires ».
Dans ce texte « aux contours flous », il voit « le règne de l’arbitraire », là où Jean-Philippe Pousset fait « totalement confiance à l’appréciation de la police » pour interpréter l’arrêté. Face à « l’absence de débat contradictoire » en amont, 36 citoyens d’Angoulême se sont joints au recours pour contester la légalité de la mesure, après une réunion le 18 juillet à la Maison des peuples et de la paix. De l’avis de Gaëtan Bachelier, l’avocat en charge de la procédure, cette mesure, en plus d’être « imprécise », n’est « pas nécessaire ». Il reproche aux pouvoirs publics « une tendance à la désinhibition pour restreindre les libertés publiques depuis 2015 » .
« La répression ne sert à rien »
« C’est une loi répressive anti-pauvres », taillée sur mesure pour « plaire à l’électorat de M. Bonnefont », dénonce Nathalie Jabli, militante d’Attac. Elle regrette « l’absence de concertation » avec les associations et les travailleurs sociaux. Ainsi, la présidente de l’association d’aide aux SDF l’Éclaircie, Martine Pinville, a appris l’existence de l’arrêté dans la presse. Pour cette élue d’opposition affiliée PS, cette mesure « risque d’exacerber les problèmes des sans-abri ». « La répression ne sert à rien ! » assène-t-elle, tout en plaidant pour « amplifier le travail social ». L’accueil qu’elle dirige dispose de deux douches pour 80 personnes chaque jour. Faute de place, des appels du 115 sont souvent redirigés, tandis que « certains cas difficiles manquent de soins psychiatriques adaptés ».
Âgé de 19 ans, Lys est un jeune militant angoumoisin engagé sur les questions de précarité sociale. « Simple citoyen », il a décidé de s’associer au recours juridique. « Je suis convaincu que cet arrêté renforce le contrôle au faciès envers les personnes précaires et racisées. » Il ajoute : « Je compte plusieurs squatteurs parmi mes amis qui n’étaient pas au courant de la mesure. Lorsque je les en ai informés, ils ont réagi avec crainte et colère, notamment à cause du montant de l’amende qui équivaut à plusieurs jours de mendicité. L’accès au centre-ville est un enjeu vital pour eux. »
Des préjugés sociaux
« Quand on arrive en ville, ce n’est pas seulement pour consommer », abonde Raphaël Manzanas, élu d’opposition divers gauche (DVG). S’il admet l’existence de « conflits d’usage », il déplore les « préjugés sociaux » de la mairie et propose pour l’espace public « un changement de philosophie ». « Plutôt que des chaises et bancs anti-SDF, il faut apporter à la ville davantage de mixité sociale. » Dans cette optique, il pointe la rareté des toilettes publiques et l’absence de fontaines d’eau potable dans le centre-ville. « Cet arrêté est devenu une honte nationale », conclut-il.
Un autre acteur associatif s’est joint au référé- suspension : Barreau des rues, qui défend les droits des plus démunis. Une évidence pour son président, Maxime Cléry-Melin, parce que « cet arrêté invisibilise ceux qui ont le plus besoin de se resocialiser ».
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