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(BFM Bourse) – Le constructeur automobile haut de gamme souffre depuis plus d’un an, plombé par la faiblesse du marché chinois mais aussi un problème de perception sur son positionnement. Avec en creux la question de savoir s’il s’agit ou non d’une marque de luxe.
En septembre 2022, l’arrivée en Bourse de Porsche avait été saluée en grande pompe par les investisseurs. Plus grande introduction en Bourse en Europe depuis une dizaine d’années, la filiale de Volkswagen (qui possède encore plus de 75% du capital) a vu son action bondir, passant d’un prix d’introduction de 82,5 euros à un pic de près de 121 euros en mai 2023.
Rappelons qu’à l’automne 2022, l’action avait bénéficié d’une forme de « cannibalisation », les investisseurs vendant les actions de la maison-mère (Volkswagen) pour acheter celle de la filiale (Porche).
Mais l’euphorie n’a pas duré pour le constructeur haut de gamme. Alors que des groupes automobiles « mass market » ont connu un magnifique millésime 2023 (Stellantis a pris 60%, la plus forte performance du CAC 40), Porsche a dévissé de 16% et même de plus de 30% par rapport à son pic de mai.
Porsche est désormais très loin des standards de Ferrari. Son action se traite à peine 14,22 (*) fois les bénéfices attendus sur douze mois (multiple qui était monté à 20, se rapprochant des standards du luxe) contre 51 pour le groupe italien.
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La Chine a dégonflé la valorisation
A 81,6 euros, son cours est repassé en-dessous de son prix d’introduction et sa capitalisation boursière (73,5 milliards d’euros) n’est plus très éloignée de celle de Volkswagen (63 milliards d’euros).
La conjoncture chinoise a rattrapé le groupe allemand à la vitesse grand V. Au troisième trimestre les livraisons de véhicules du groupe ont chuté dans la deuxième économie mondiale de 40%, note le bureau d’études indépendant AlphaValue. Sur l’ensemble de 2023, ces livraisons ont plongé de 15% en Chine et la société s’attend à une année encore difficile en 2024.
Certes, le groupe a su mobiliser ses ressources pour nourrir la croissance dans d’autres régions, une décision également prise pour protéger ses prix.
Mais « en fin de compte, la question clé est la suivante: pendant combien de temps le reste du monde sera-t-il en mesure de compenser la demande chinoise manquante? », s’inquiétait AlphaValue, en octobre. HSBC remarque que Porsche a la plus forte exposition à la Chine parmi les constructeurs automobiles de luxe (25% environ), ce qui explique « probablement » la chute de l’action.
Précisons que Ferrari mis à part, l’ensemble des groupes automobiles « premium » souffrent en Chine. Aston Martin a vu ses livraisons reculer de 55% au troisième trimestre, Bentley de 32%, Lamborghini de 26% et Rolls Royce de 16%, selon des données compilées par l’établissement sino-britannique.
Le Macan électrique comme test
Le report du Macan électrique, un SUV qui constituera le deuxième modèle électrique du groupe après le Taycan, n’a pas aidé. Un problème de logiciel chez Volkswagen a contraint Porsche à reporter à 2024 son lancement, initialement prévu en 2023. Le modèle a été présenté la semaine dernière avec des premières livraisons prévues au second semestre.
Ce qui testera d’ailleurs la faculté de Porsche à extraire une prime sur les tarifs dans le véhicule électrique, un marché sur lequel les doutes se sont accumulés en ce début d’année, comme en témoigne le plongeon de 24% de l’action Tesla. Selon UBS, Porsche souhaite vendre cette version électrique 15% plus chère que le modèle thermique.
Une autre inquiétude du marché vient par ailleurs de la capacité du groupe à tirer ses prix vers le haut (le « pricing ») et alimenter ainsi sa croissance par la valeur plutôt que par les volumes. La direction de la société a d’ailleurs souligné à plusieurs reprises que les prix et le mix (la répartition des ventes vers des modèles plus chers et mieux margés) devaient constituer les principales sources d’amélioration de ses résultats.
« Le problème c’est qu’ils martèlent l’idée que leurs résultats seront portés par le mix/pricing alors qu’on voit très clairement un impact important des volumes. La conséquence c’est que le marché comprend qu’ils sont bien plus proches d’un Mercedes sur leurs grands indicateurs que d’un Ferrari. Donc il y a eu un « derating » (une dégradation des multiples boursiers, NDLR), les ramenant davantage vers la valorisation de Mercedes », résume un analyste.
HSBC, qui est passée à l’achat sur le groupe automobile en décembre, juge néanmoins ces craintes du marché sur le « pricing » exagérées. La banque estime que les marges ont atteint un creux au troisième trimestre, et que la « dynamique robuste des produits » devrait soutenir ses tarifs. Le groupe a notamment commencé à livrer son nouveau Cayenne, un SUV de luxe, au troisième trimestre 2023. Deutsche Bank est sur la même longueur d’onde, affirmant que la société « ne reçoit pas suffisamment de crédit » pour ses décisions destinées à protéger ses prix, comme la réallocation de ses ventes à d’autres régions que la Chine.
Porsche, est-ce vraiment du luxe?
En creux se pose clairement la question de la classification de Porsche comme groupe de luxe et donc de sa valorisation. Nombreux sont les analystes à considérer que Ferrari a un modèle proche d’Hermès, avec une culture de la rareté. Mais c’est beaucoup moins évident pour Porsche, qui vend tout même 320.000 voitures par an (en 2023), contre 13.663 unités pour Ferrari.
Les difficultés éprouvées par le groupe en Chine montrent également qu’il n’est pas immun à la conjoncture, alors que Ferrari a vu ses revenus bondir de 17% en 2023 et son bénéfice de 34%, le groupe italien tirant sa croissance des prix mais aussi dans la customisation (la personnalisation) des véhicules vendus à ses clients.
« Porsche est en train de devenir un titre cyclique qui dépend du cycle des modèles, c’est le contraire de ce que l’on attend d’une entreprise de luxe », déclare à Bloomberg Daniel Roeska, analyste chez Bernstein.
Cela ne veut pas dire que Porsche ne constitue pas une marque de renom. Mais elle ne soutient pas nécessairement la comparaison avec Ferrari.
« Porsche AG n’a pas le ‘facteur de rareté’ au niveau du groupe pour mériter d’être inclus dans l’industrie du luxe. Contrairement aux voitures produites en série limitée, comme celles qui ont été présentées cette année pour le double anniversaire (75 ans du groupe et 60 ans de son produit phare, la 911), Porsche vend en masse des voitures haut de gamme de grande série, dont l’élasticité des prix est de facto plus élevée », soulignait en octobre AlphaValue.
« Ainsi, la 911, le seul modèle dont le prix de départ est supérieur à 100.000 euros et qui sert de base à la plupart des éditions limitées, n’a représenté que 13% unités vendues en 2022 », ajoutait le bureau d’études.
Conclusion d’AlphaValue: Porsche doit encore démontrer sa facette « luxe », c’est-à-dire « celle capable de survivre à un ralentissement économique ».
Reste qu’au vu de la récente chute de l’action, la valorisation du groupe peut sembler attrayante. Deutsche Bank conseille l’action à l’achat de même que HSBC. La banque sino-britannique jugeait en décembre que l’action pourrait, certes, connaître un parcours un peu cahoteux. Mais le titre possède un grand potentiel « compte tenu du sentiment négatif récent et de la correction du prix de l’action », ajoutait-elle.
UBS juge aussi que « la valorisation ne semble pas non plus exigeante pour une entreprise d’automobiles de luxe ». Il est maintenant essentiel que la direction exécute les lancements de produits et regagne la confiance des investisseurs qui a été mise à mal au cours des deux derniers trimestres en raison des problèmes d’exécution et de la faiblesse de la Chine », complète l’établissement suisse. « Nous restons acheteurs de l’action, tout en soulignant qu’il faudra faire preuve de patience pendant que Porsche naviguera dans les trimestres à venir avec les changements de modèles », prévient-il.
(*) Les éléments de valorisation ont été arrêtés jeudi après la clôture européenne
Julien Marion – ©2024 BFM Bourse
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