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Parents vigilants, une association proche d’Éric Zemmour, table sur les élections de parents d’élèves pour faire entrer leurs militants au sein des conseils d’école. Le but: peser sur la vie des établissements et marquer des points lors des prochaines municipales.
Des élections d’habitude sous les radars mais sous très haute surveillance cette année. Les parents d’élève sont invités aux urnes dans les écoles ce 13 et 14 octobre pour désigner leurs représentants. Pour la première fois, une association proche d’Éric Zemmour, Parents vigilants, présente des candidats dans les écoles primaires.
Avec un objectif assumé: « Faire en sorte que le wokisme et le lobby LGBT arrêtent d’infiltrer l’Éducation nationale », comme l’explique Agnès Marion, la porte-parole de ce mouvement auprès de BFMTV.com.
« Alerter l’opinion publique »
L’association revendique désormais 60.000 adhérents. Si ce chiffre est invérifiable et que leur groupe Facebook compte environ 2.000 adhérents, la mobilisation sur le terrain est bien réelle.
Volonté de faire annuler un atelier de lecture de drag-queens dans une bibliothèque à Bordeaux, souhait de faire interdire les interventions de l’association SOS Méditerranée agréée par l’Éducation nationale dans un lycée de Lorient…
Ces derniers mois, plusieurs événements ont poussé des Parents vigilants à se mobiliser, de courriers en pétitions en passant par des tractages devant les établissements concernés. « Reconquête fait son devoir: alerter l’opinion publique », assume dans un communiqué de presse le mouvement d’Éric Zemmour, qui compte bien passer à la vitesse supérieure en tentant de se faire élire dans les conseils d’école.
« On ne va applaudir quand on entend parler de repas avec des lardons hallal »
Il faut dire que ces élections donnent un certain pouvoir, entre affichages sur les panneaux d’information de l’école, envoi de courriers à tous les parents et participation aux conseils d’école tous les trimestres.
Si les parents d’élèves ne peuvent pas bloquer ou imposer de décisions, ils sont systématiques consultés sur les sujets périscolaires qui incluent notamment la question des menus proposés à la cantine ou les voyages scolaires.
« C’est sûr que si on entend parler de repas avec des lardons hallal ou de classes vertes pour se pencher sur la question des migrants, on ne va pas applaudir », fait remarquer Virginie Tournay, responsable Parents Vigilants en Gironde.
Accès aux panneaux d’information de l’école et à l’adresse des parents
Ces initiatives peuvent-elles franchir la ligne rouge de l’illégalité? Une professeure de philosophie dans un lycée de Valenciennes (Nord) a déposé plainte contre X pour menaces de mort et cyberharcèlement en décembre 2022. Elle avait projeté d’organiser une sortie scolaire pour aller à la rencontre d’une association de soutiens aux migrants, dans le cadre d’un projet pédagogique interdisciplinaire, intitulé « exil et frontières ».
Mais elle avait été finalement annulée par le rectorat de Lille pour des questions de « sécurité », après la diffusion par Parents vigilants des détails de ce déplacement scolaire sur les réseaux sociaux.
« Dans mon établissement, notre projet pédagogique est axé contre la lutte contre le harcèlement depuis plusieurs années. Ça passe souvent par le repérage des discriminations. Est-ce qu’on va devoir arrêter? », s’inquiète un directeur d’établissement francilien.
La question inquiète dans les rangs de l’école face à cette offensive politique qui ne doit rien au hasard. À l’été 2022, en plein marasme après avoir perdu la présidentielle, Reconquête cherche à ressouder ses troupes en sondant ses militants sur leurs préoccupations. L’école ressort alors comme le second thème prioritaire des adhérents.
« Plutôt facile de se faire élire »
De quoi pousser l’ancien journaliste du Figaro à lancer un combat contre « le grand endoctrinement » à l’école, appelant ses partisans à « ne plus rien laisser passer » à travers Parents vigilants.
« On s’est un peu renseigné avant de lancer ça et on a vu que c’était plutôt facile de se faire élire », reconnaît un proche d’Éric Zemmour.
Dans un mouvement qui ne dispose que d’une poignée d’élus nationaux, ce scrutin dispose de nombreux avantages, à commencer par celui de mandats à pourvoir par milliers. Il existe sur le papier autant de délégués de parents d’élèves que de classes par école, l’intégralité de ces mandats étant rarement pourvue.
Inscription sur les listes de la PEEP ou de la FCPE
Autre facilité: le fort taux d’abstention avec près de 49% de non-votants l’année dernière.
« C’est sûr que si vous arrivez à faire voter quelques parents des copains de vos enfants, ça peut vite faire monter la participation en votre faveur », décrypte une professeure des écoles dans le Val d’Oise.
Enfin, le fait de ne pas avoir besoin de lancer de liste pour pouvoir se faire élire a tout d’une opportunité pour Reconquête.
« C’est assez compliqué de lancer une association de parents d’élèves donc assez vite, on s’est dit qu’on rejoindrait celles qui existaient déjà comme la PEEP. La FCPE, aussi. Pourquoi pas, après tout ? », explique Agnès Marion.
« On finit avec des mairies »
Certains y voient aussi en interne l’occasion d’avancer sur la question des municipales, à trois ans du scrutin, en récoltant à la fois des coordonnées en pagaille d’une partie des habitants d’un territoire tout en faisant émerger de nouveaux visages.
« C’est un outil de pointillisme qui peut faire un très grand tableau à la fin. Par petites touches, on nous entend à l’école, puis les parents parlent de nous dans les goûters d’anniversaire et on finit avec des mairies », espère un lieutenant de Reconquête.
« Des gens qui arrivent masqués » dans les associations de parents d’élèves
Dans les rangs de ces fédérations, on n’apprécie guère le calcul. « On ne demande pas aux gens pour qui ils votent quand ils adhèrent. Mais nous sommes une association apolitique et c’est précisé dans notre charte. On a bien sûr le droit d’avoir des convictions mais le prosélytisme, ce ne sera pas chez nous », prévient Laurent Zameczkowski, le vice-président de la PEEP.
Même son de cloche pour la FCPE, marqué à gauche.
« On a des gens aujourd’hui qui arrivent masqués. Si on se rend compte qu’on a une personne adhérente qui s’oppose à la lutte contre les LGBTphobies, elle s’en ira », explique Grégoire Ensel, le président national de la FCPE.
La discrétion de Gabriel Attal
Du côté de l’Éducation nationale, on joue pour l’instant la carte de la discrétion. Contacté, l’entourage du ministre Gabriel Attal n’a pas répondu à nos sollicitations. ll faut dire que les tentatives d’entrisme n’ont rien de nouveau.
En janvier 2014, un mouvement de « journées de retrait de l’école » avait ainsi été lancé sur les réseaux sociaux par Farida Belghoul. Cette proche de l’essayiste d’extrême droite Alain Soral, et ex-figure de la « marche des Beurs », avait appelé à retirer son enfant de l’école une fois par mois, en réaction aux ABCD de l’égalité, lancées par Najat Vallaud-Belkacem, pour lutter contre les inégalités entre les filles et les garçons.
Avec un certain succès: une centaine d’écoles avaient été perturbées en France sur 48.000 établissements. 30% d’élèves avaient manqué des cours dans les Hauts-de-Seine et en Seine-Saint-Denis.
« Des interventions dans les prochains mois »
Certains membres de la FCPE, opposés au boycott, avaient même été menacés physiquement. Farida Belghoul avait ensuite essayé de présenter des listes aux élections de parents d’élèves quelques mois plus tard, sans y parvenir.
« L’entrisme à l’école n’est pas vraiment nouveau. Est-ce que ça va prendre cette fois-ci? J’en doute un peu. Il y a des envies mais ça se traduit rarement concrètement dans les faits », avance un ancien conseiller ministériel de Jean-Michel Blanquer, le prédécesseur de Gabriel Attal.
« La montée de l’extrême droite est partout dans la société et donc aussi l’école. On ne peut pas faire comme s’il ne se passait rien », lui répond Guislaine David, secrétaire général et porte-parole du SNUiPP-FSu, le principal syndicat des enseignants du premier degré.
« On est tenté de penser qu’il va y avoir des interventions beaucoup plus structurées au sein des conseils d’école dans les prochains mois ».
« Une vraie bouffée d’oxygène » pour Zemmour
Mais après 28 ans au sein de l’Éducation nationale, cette professeure des écoles assure ne rien vouloir changer à sa façon d’enseigner.
« Les professeurs assument de dire que l’école n’est pas là seulement pour instruire mais bien pour les aider à devenir des adultes et donc oui, on va continuer de parler de la lutte contre les discriminations, du consentement et de l’égalité entre les filles et les garçons ».
À quelques jours des élections de parents d’élèves, Éric Zemmour faisait preuve d’optimisme. Il voit dans la future élection de Parents vigilants « une vraie bouffée d’oxygène » pour « les enseignants » comme pour « les parents ».
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