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(BFM Bourse) – Depuis le début des années 2010, le baril de Brent affiche un prix supérieur à celui du WTI, alors que cela n’était pas le cas précédemment. Les tensions récentes sur les stocks aux Etats-Unis ont toutefois réduit temporairement, il y a deux semaines, l’écart. Au point de voir le WTI repasser devant?
Lorsque nous évoquons les prix du pétrole, nous citons souvent deux contrats sur le brut: le Brent de mer du Nord, coté à Londres, et le West Texas Intermediate (WTI) de New York.
Mais il en existe pléthore d’autres. « Pratiquement chaque pays producteur a son propre mélange de brut qu’il commercialise, du Western Canadian Select à l’Arab Extra Light d’Arabie saoudite », explique le cabinet Mansfield.
« On parle souvent du pétrole, mais le pétrole de façon monolithique n’existe pas, il y a ainsi plus de 160 références dans le monde même si la plus importante reste le Brent car elle il sert d’ancrage à beaucoup d’autres contrats pétroliers », développe de son côté Benjamin Louvet, responsable de la gestion matières premières chez OFI Invest Asset Management et co-auteur du livre « Métaux, le nouvel or noir » (*), qui vient d’être publié.
Les prix des différents types de pétrole produits et cotés varient selon plusieurs paramètres, notamment – pour simplifier – leur « qualité ». Sur ce point, le Brent et le WTI sont tous les deux bien lotis. Pourtant, le pétrole américain possède fondamentalement de meilleures caractéristiques que son homologue européen. Alors qu’il s’avère aujourd’hui moins onéreux.
Cela n’a pas toujours le cas. « Historiquement, le WTI (ou West Texas Intermediate) était plus cher et plus recherché que le Brent en raison de sa bonne qualité, qui dépend de la densité, mesurée par ce que l’on appelle le taux d’API, et la teneur en sulfure. Pour les raffineurs, le WTI permettait ainsi d’avoir un bon ‘mix produit’, et produire ainsi du diesel de l’essence ou d’autres produits dérivés du pétrole », rappelle Benjamin Louvet.
Le pétrole de schiste a tout changé
Le tournant s’est opéré entre 2010 et 2011, période à partir de laquelle le WTI a réellement commencé à décrocher par rapport au Brent. Cette période correspond à l’essor du pétrole de schiste en Amérique du Nord.
« Le Brent était autrefois moins cher que le WTI, mais la situation a changé avec l’émergence de l’industrie du schiste. Le WTI produit plus d’essence que le Brent et la stagnation de la demande de ce carburant le rend également relativement moins cher », souligne Tamas Varga de PVM Energy. « Les tensions géopolitiques soutiennent davantage le Brent que le WTI. Enfin, avec la levée de l’interdiction d’exporter du pétrole brut aux États-Unis (en 2015, NDLR), les coûts d’expédition doivent être pris en compte pour rendre le brut américain compétitif », ajoute-t-il.
« En 2015, une interdiction qui empêchait les exportations de pétrole non raffiné a été levée. Ce qui permet donc d’exporter du brut vers les grands consommateurs de pétrole, comme la Chine, mais avec un coût de transport plus élevé que le Brent, qui lui part d’Europe », précise de son côté Benjamin Louvet.
L’expert d’OFI Invest Asset Management détaille l’impact qu’a eu le pétrole de schiste sur le WTI. « L’arrivée du pétrole de schiste en Amérique du Nord a complètement bouleversé le paysage du pétrole et a tiré à la baisse le WTI. Dans un premier temps, les raffineurs étaient satisfaits de ce type de pétrole, très léger, car ils pouvaient le mélanger avec des pétroles plus lourds, notamment ceux du Venezuela pour obtenir un pétrole moyen », rappelle-t-il.
« Mais, à force d’augmenter, la production de pétrole de schiste a fait baisser le taux de densité API du WTI et du pétrole américain, le rendant ainsi moins recherché, et incitant les raffineurs et les opérateurs de marché à se tourner davantage vers le Brent », poursuit Benjamin Louvet. « L’embargo américain sur le pétrole vénézuélien a aussi compliqué les mélanges opérés par les raffineurs avec le pétrole de schiste », note-t-il par ailleurs.
Chute des stocks
Reste que l’écart entre les deux contrats peut ponctuellement varier et se resserrer nettement. Il y a deux semaines le « spread » c’est-à-dire la différence de prix sur les deux contrats à terme, est passé sous 1 dollar le baril, amenant les observateurs à se demander si le pétrole de New York ne pourrait pas repasser au-dessus de celui de Londres.
« L’écart se resserre actuellement (il y a deux semaines, NDLR) parce que les stocks au centre crucial de pétrole brut de Cushing, Oklahoma (en plein centre des Etats-Unis, NDLR), sont historiquement bas, et avec les contraintes de l’offre saoudienne/russe, la demande de pétrole brut américain est en hausse. De plus la production américaine de pétrole de schiste atteint son apogée et les gestionnaires de fonds créent une demande financière saine pour le WTI », décortique Tamas Varga.
Le principal facteur demeure néanmoins l’évolution des stocks de bruts aux Etats-Unis. « Les stocks à Cushing, « capitale » du pétrole américain, sont revenus à des niveaux historiquement très faibles », abonde ainsi Benjamin Louvet.
« Ces stocks ne sont pas très loin de se situer à des niveaux inopérants pour le terminal américain de référence de Cushing. Pour des raisons techniques, dans une cuve, le tuyau de pompage du pétrole se trouve non pas en bas de la cuve mais à une certaine hauteur. Si les stocks sont trop faibles la réserve de pétrole passe en bas du tuyau. Il existe donc des inquiétudes sur des difficultés d’approvisionnement », développe-t-il.
Déficit de marché
Ce qui s’ajoute donc à un marché du pétrole tendu en raison des coupes de production que l’Arabie Saoudite et la Russie ont prolongé jusqu’à la fin de l’année. Ces baisses vont créer un déficit du côté de l’offre pour le quatrième trimestre, pénurie sur laquelle l’Agence internationale de l’énergie et l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) ont récemment alerté. La banque UBS avait, elle, auparavant chiffré ce déficit à plus de 1,5 million de barils par jour pour le quatrième trimestre. Mais l’Opep, elle, l’évalue à 3 millions de barils par jour.
« Actuellement le déficit entre l’offre et la demande de pétrole se situe plutôt autour de 1,5 à 2 millions de barils par jour », évalue Benjamin Louvet.
Un arbitrage Brent-WTI
Est-ce que le Brent peut désormais repasser sous le WTI, et si oui de façon durable? Pour Tamas Varga, ce dernier cas de figure (un WTI durablement plus cher que le Brent) est « peu probable » en raison des coûts de livraison plus cher pour le WTI.
« C’est possible (que le WTI dépasse le Brent à un moment, NDLR) si les stocks de WTI continuent de baisser et commencent à manquer, mais l’écart ne serait pas considérable et la crise pourrait être passagère », répond de son côté Benjamin Louvet.
« Le marché fera toujours un arbitrage entre le prix du baril mais aussi le coût de transport vers les grands consommateurs, comme la Chine, qui sont plus faibles pour le Brent, puisqu’il est plus simple de transporter du pétrole d’Europe vers la Chine qu’en partance des Etats-Unis », poursuit-il.
« Quant à savoir si le WTI peut repasser de façon durable devant le Brent, cela dépendra d’un facteur: le développement de la production de pétrole de schiste. On a longtemps pensé que la production progresserait jusqu’en 2028, mais plusieurs signes amènent à penser que le pic pourrait être atteint dès fin 2024. Ce qui pèserait évidemment sur l’offre et exercerait une pression haussière sur le WTI », explique encore l’expert.
« L’an passé la productivité (production par puits) du pétrole de schiste a baissé pour la première fois. Ce qui pose la question de la disponibilité de puits de bonne qualité pour continuer à augmenter la production des raffineurs. Le nombre de forages en activité a baissé. Pendant des années, il existait des « drilled but uncompleted wells », c’est-à-dire des puits forés mais où la roche n’était pas fracturée. Désormais, il risque d’y en avoir moins ce qui pourrait contraindre les producteurs à refaire des puits de A à Z », détaille Benjamin Louvet.
(*) « Métaux, le nouvel or noir, demain la pénurie? » d’Emmanuel Hache et Benjamin Louvet, éditions du Rocher
Julien Marion – ©2023 BFM Bourse
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