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Éditeurs de jeux de société, Luc de Bois et Adrien Fulda signent avec « On lâche rien ! » leur septième création. Mais c’est la première à afficher une authentique ambition politique : sensibiliser aux dérives du maintien de l’ordre à la française et mieux faire connaître les droits de chacun en manifestation, par l’entremise d’une activité ludique proposée dès l’âge de 10 ans. « Le milieu du jeu de société se targue d’être apolitique. Nous pensons, au contraire, que le jeu peut faire passer des messages, tout en restant divertissant, ce qui est son objectif premier », explique Adrien Fulda. Tiré à 4 000 exemplaires, « On lâche rien ! » a été concocté avec le concours de la Ligue des droits de l’homme (LDH) et de l’Acat, deux associations références en termes de défense des libertés et de dénonciation des violences policières. Ensemble, elles ont rédigé le petit livret explicatif sur les droits des manifestants, présenté sous forme de lexique pédagogique, qui se trouve dans chaque boîte du jeu.
Des rouges, des bleus et des jaunes
Sorti le 26 juin, « On lâche rien ! » est disponible dans les boutiques spécialisées, et pas uniquement en librairie. « C’est un petit tour de force, car il a fallu convaincre un distributeur de s’engager avec nous. Certains étaient réticents à l’idée de proposer un jeu trop politique et ne nous ont pas suivis », précise Adrien Fulda. Les deux auteurs rappellent pourtant que bien des jeux ont un arrière-plan ou même des buts très politiques, voire guerriers, quand il s’agit de conquérir des territoires en détruisant ses adversaires, comme dans Risk, ou même de les pousser à la banqueroute, comme au Monopoly. Rien de tel dans ce jeu constitué de 64 cartes illustrées par Allan Barte, dessinateur au trait faussement naïf, auteur de la série de BD « Vivre en Macronie » et bon connaisseur des problématiques du maintien de l’ordre.
Le paquet se décompose en trois catégories principales : les cartes « manifestant·e » en jaune, les cartes « forces de l’ordre » en rouge et les cartes « personnalités politiques » en bleu, auxquelles s’ajoutent une dizaine de cartes spéciales, comme autant de pièges placés sur la route des joueurs. L’objectif : glaner le plus de cartes possible en repérant les bonnes combinaisons permettant de récupérer l’un des trois tas constitués sur la table. Par exemple, si deux manifestants voisinent avec une personnalité politique, le plus rapide des joueurs pourra « taper » sur le tas de cette dernière, et le récupérer, allégorie de la pression mise par la rue sur le pouvoir politique. Et si deux cartes « forces de l’ordre » entourent cette fois une carte « manifestant·e », c’est ce dernier tas qui va être visé par les joueurs, métaphore cette fois d’une charge policière. Prime au plus rapide bien sûr…
Fort heureusement, toutes les réalités de la répression et des violences vues en manif ne sont pas reproduites dans le jeu. « Nous avons choisi de ne pas proposer de cartes LBD ou grenades de désencerclement, par exemple. Mais, parmi les cartes spéciales, certaines représentent la Brav-M, un drone ou encore un policier en civil, avec des fonctionnalités particulières », détaillent Adrien Fulda et Luc de Bois. C’est lors du mouvement des gilets jaunes que l’idée a germé dans l’esprit des deux compères, plus habitués jusqu’ici à des créations simplement ludiques ou pédagogiques. « On n’avait pas anticipé que le mouvement contre la réforme des retraites ou la mobilisation de Sainte-Soline placeraient encore plus ces questions sur le devant de l’actualité », confie Adrien Fulda.
Réfléchir aux questions de société
Pour les créateurs, l’idée est moins d’attirer les militants déjà aguerris que de faire découvrir à des familles, pas forcément spécialistes, certaines notions liées au maintien de l’ordre ou à la liberté de manifester. « Il y a environ 1 500 nouveaux jeux qui sortent chaque année en France, et on peut compter sur les doigts d’une main, au grand maximum, ceux qui assument de parler de politique. C’est un peu dommage », relève Luc de Bois. Les deux créateurs et éditeurs n’ont d’ailleurs pas prévu de s’arrêter là. Avec leur maison Coco Cherry, lancée pour l’occasion, ils travaillent déjà à un autre projet autour de la vidéosurveillance, avec la LDH et la Quadrature du Net, qui pourrait sortir… avant les jeux Olympiques de Paris 2024. Et de premiers échanges ont eu lieu avec la Cimade pour imaginer un jeu autour des parcours de migration. Comme le résument Adrien Fulda et Luc de Bois : « Il ne s’agit pas de rire de ces sujets, mais d’amener à réfléchir à ces questions de société, par le jeu. »
« Un jeu est un formidable outil de plaidoyer »
ÉMILIE SCHMIDT, RESPONSABLE PROGRAMMES ET PLAIDOYER SÛRETÉ ET LIBERTÉS À L’ACAT FRANCE
« L’Acat est une ONG, fondée en 1974, de défense des droits de l’homme qui lutte contre la torture et la peine de mort. Depuis 2016, l’association s’intéresse aux pratiques policières, en France mais pas seulement, et a déjà publié plusieurs rapports sur le sujet. Aussi, quand les créateurs du jeu “On lâche rien !” nous ont contactés, il y a un an, on a été tout de suite intéressés par le projet. Car un jeu est un formidable outil de plaidoyer, qui permet de toucher un public bien plus large que celui des seuls militants. Nous avons déjà pu tester le jeu lors d’une soirée avec nos adhérents, mais nous prévoyons aussi de l’utiliser, à la rentrée, en milieu scolaire. Ce côté ludique permet de mettre sur la table facilement des questions autour du “maintien de l’ordre”, qui auraient été plus difficiles à aborder autrement. Or, il faut absolument ouvrir un débat sur le “maintien de l’ordre” à la française, bien trop répressif au lieu d’être préventif. Nous sommes très fiers d’avoir participé à ce jeu en rédigeant, avec la LDH, le petit livret qui l’accompagne. »
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