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Tous les chefs de l’État ont entretenu des relations avec le souverain pontifical, de la proximité aux tensions parfois très fortes. Avant l’arrivée du pape François à Marseille, retour sur les rapports entre le Saint-Père et les locataires de l’Élysée.
Quinze ans après la dernière visite pontificale menée par Benoît XVI à Paris, c’est au tour du pape François de se rendre en France sous le regard d’Emmanuel Macron ce samedi lors de la messe papale.
Si tous les présidents de la République ont eu des liens avec le Vatican, les relations n’ont que rarement été simples. Retour sur l’histoire des locataires de l’Élysée avec les souverains pontifes.
• Charles de Gaulle: chapelle privée et anneau embrassé
Pour sa toute première visite à l’étranger en juin 1959 après son arrivée au pouvoir, Charles de Gaulle se rend au Saint-Siège. Tout un symbole pour le président qui s’est jusque là toujours abstenu de s’exprimer publiquement sur le sujet. Mais le Général n’hésite pas à s’agenouiller aux pieds du Pape avant de baiser son anneau -un geste qui ne se reproduira plus jamais avec ses successeurs.
Au menu des échanges avec Jean XXII: les prêtres ouvriers, alors plusieurs milliers en France, qui vivent sans soutane tout en travaillant. De quoi troubler le Vatican. Charles de Gaulle botte en touche et met en avant… l’installation d’une chapelle à l’Élysée où il assiste plusieurs fois par semaine à la messe à titre privé.
• Georges Pompidou: tout en catimini
En cinq ans à l’Élysée de 1969 à 1974, Georges Pompidou joue la carte de la prudence avec la religion chrétienne. Tout juste concède-t-il une visite au Pape en janvier 1969 quand il est à Matignon.
Pas question pour lui de prêter le flanc à des accusations de conservatisme dans une société marquée par mai 68. La méfiance est bien réciproque: si des évêques sont reçus dans le bureau du président, pas question pour les dignitaires religieux de le faire savoir.
• Valéry Giscard d’Estaing: un couac qui finit par des meurtres
En dépit de ses convictions plutôt laïques comme son prédécesseur, Valéry Giscard d’Estaing rencontre à plusieurs reprises le pape. La visite la plus marquante se déroule en 1975 avec Paul VI qui ne mâche pas ses mots. Le dignitaire religieux qualifie la loi Veil qui légalise l’avortement de « trop permissive ». L’ambassadeur de France en Italie a pourtant assuré à l’Élysée que le sujet ne serait pas abordé.
À la sortie de l’entretien, le diplomate interroge le chef de l’État sur la teneur de la discussion.
Réponse de Valéry Giscard d’Estaing qui n’a pas apprécié les propos de Paul VI: « Je n’ai pas l’habitude de rendre compte à un subordonné ».
L’histoire finit mal: l’ambassadeur est rappelé à Paris sur consigne du président. Deux ans plus tard, il tue sa femme et ses enfants à coups de revolver. Il explique dans la foulée aux policiers ne s’être jamais remis de son départ de Rome et de l’humiliation présidentielle avant de se donner la mort en prison, comme le rapporte France culture.
• François Mitterrand: des médailles pour sa sœur
Croyant, François Mitterrand a toujours veillé à se faire discret sur sa foi. Il faut dire que pour le président qui a fait l’union de la gauche, il n’est pas facile d’afficher sa pratique chrétienne auprès des socialistes et des communistes.
C’est pourtant lui qui a le droit à la plus longue audience jamais accordée à un président avec pas moins d’une heure et quinze minutes en tête-à-tête avec Jean-Paul II en 1982. Tout un symbole quelques mois avant un long bras de fer avec les écoles privées qui fait descendre des centaines de milliers de personnes catholiques dans la rue.
En raccompagnant le locataire de l’Élysée, Jean-Paul II propose à François Mitterrand des médailles et des chapelles aux armoiries du Vatican. Le président refuse, non sans glisser à l’un des reporters présents : »Prenez-en pour ma sœur ». « C’était plutôt pour lui », rapportent Pierre Favier et Michel Martin-Roland dans La décennie Mitterrand.
• Jacques Chirac: mantille noire et déception
Le Corrézien qui a déjà rencontré Jean-Paul II lorsqu’il était maire de Paris voue une admiration sans bornes au dignitaire religieux. Lors de sa première rencontre en tant que président avec le pape au Vatican en 1996, il vient accompagné de son épouse qui porte une mantille noire. Si ce voilage noire n’est plus obligatoire depuis 1983, le couple présidentiel veut afficher sa proximité avec le pape.
« Je souhaite vous témoigner de la fidélité de la France à son héritage chrétien », lance même Jacques Chirac qui ne rencontre pas moins de sept fois le Polonais en une douzaine d’années.
Le décès de Jean-Paul II et l’arrivée de Benoît XVI changent la donne. Pendant ses deux dernières années de mandat, Jacques Chirac ne rencontre pas le pape bavarois. En cause: sa décision d’avoir réintégré dans l’église catholique Monseigneur Richard Williamson qui a tenu des propos négationnistes. Jacques Chirac se dit alors dit « ému et choqué ».
• Nicolas Sarkozy: SMS et Jean-Marie Bigard
La première visite du président au Vatican, quelques mois à peine après son arrivée à l’Élysée, fait grincer des dents. En cause: la présence au sein de la délégation présidentielle de l’humoriste Jean-Marie Bigard.
En dépit de la polémique, le président fait le service après-vente auprès du souverain pontife lorsqu’il lui présente l’artiste. « Vous vous rendez compte, cet homme a rempli le stade de France? », lance ainsi le président au dignitaire religieux.
Conclusion de Jean-Marie Bigard quelques années plus tard dans les colonnes de Nice Matin: « C’est le kiff absolu de rencontrer le pape ».
Autre couac de la visite: durant le cérémonial, le président français consulte subrepticement son téléphone portable et rédige un texto pendant que Benoît XVI s’adresse à lui.
Le discours qui suit cet échange ne calme pas les esprits. « L’instituteur ne remplacera jamais le curé dans la transmission des valeurs », assure Nicolas Sarkozy, au grand dam de la gauche. Cela ne l’empêche pas d’aller à la rencontre du pape à trois reprises supplémentaires avant de lui rendre à nouveau visite en 2016, en pleine campagne des primaires LR.
• François Hollande: bombe et recalage d’un ambassadeur
La première rencontre entre François Hollande et Benoît XVI au Vatican en janvier 2013 se passe sous de mauvais augures. Il faut dire qu’après sa victoire à la présidentielle, le souverain religieux s’est fendu d’une lettre dans laquelle il lui demande de respecter « les nobles traditions morales et spirituelles ».
À peine six mois plus tard pour la venue du Français, la tension n’est pas redescendue d’un cran, en plein débat sur le mariage pour tous et ses milliers d’opposants dans la rue, notamment catholiques. Une bombe explose même pendant la visite présidentielle près d’une église à Rome, avant que tout lien soit écarté entre les deux évènements.
La concorde peine cependant à revenir. En 2015, le pape François refuse d’accréditer comme ambassadeur le candidat proposé par l’Élysée. La raison avancée? Le diplomate est homosexuel.
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