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Des fuites de données ont entaché l’appel d’offres pour la gestion de l’eau en Île-de-France. BFM Business s’est procuré l’expertise qui a servi à stopper la procédure et à débouter Suez en justice.
Une quinzaine de pages arbitrent l’un des plus grands bras de fer entre Veolia et Suez. Un rapport d’expert a permis de valider l’appel d’offres du plus gros contrat d’Europe, celui du Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif) qui offre 4,3 milliards d’euros pour alimenter en eau potable près de cinq millions de franciliens. Ce même rapport a aussi permis à la justice de retoquer Suez qui en demandait l’annulation après avoir subi deux fuites de documents confidentiels au profit de son rival Veolia.
BFM Business s’est procuré cette « note de synthèse », datée du 13 mai et écrite par Gaël Canal, expert auprès de la Cour d’appel de Versailles. Un mois plus tôt, les 4 et 5 avril, un jeune salarié de Naldeo, qui gère l’appel d’offres, a transmis par erreur plusieurs fichiers confidentiels de Suez à Veolia, actuel gestionnaire du contrat en Île-de-France. Le Sedif a ensuite lancé cette expertise pour déterminer les faits et les responsabilités.
La note étonne d’abord sur la méthode. « On n’a été associé en rien », s’emporte une source proche de Suez qui juge le rapport « partiel » pour ne pas dire partial. Contactés, Gaël Canal et Suez n’ont pas souhaité nous répondre. Mais dans les couloirs de l’entreprise, on ne digère pas ce rapport brandi par le Sedif pour justifier de continuer l’appel d’offres et sur lequel le Tribunal administratif s’est appuyé pour refuser de l’annuler comme le demandait Suez.
D’autant que l’expertise a été « réalisée à la demande du Sedif » comme écrit sur la première page. « Elle n’est en tout cas pas indépendante! », s’offusque un proche de Suez.
Or, plusieurs protagonistes du dossier assurent que le Syndicat, présidé par le maire d’Issy-les-Moulineaux André Santini, voulait à tout prix continuer l’appel d’offres, qui a déjà pris deux ans de retard. « Le Sedif ne pouvait pas incriminer son gestionnaire Naldeo sinon il aurait été obligé d’annuler la procédure », explique une source proche du dossier. Dans un courrier daté de fin septembre, André Santini soulignait « une erreur indépendante de son maître d’œuvre ». Il fallait donc trouver une explication ailleurs.
Naldeo au centre des interrogations
Le rapport d’expertise pointe du doigt le « dysfonctionnement » de la plateforme informatique de TransfertPro, à cause d’une « erreur de programmation », terme repris par le Tribunal administratif pour débouter Suez. « C’est faux, il n’y a pas d’erreur de programmation. En revanche, il est envisagé des conditions d’utilisation anormales de notre plateforme », rétorque Ian Ouaknine, l’avocat de la PME. Transfert Pro estime avoir été mis à l’écart par l’expert qui ne les a pas interrogés mais cible leur responsabilité. « L’expert nous a seulement demandé une liste d’identifiants de connexion », ajoute leur avocat.
L’expert dédouane donc le gestionnaire de l’appel d’offres du Sedif, Naldeo, mais peine à se justifier. La fuite du 4 avril est intervenue « à l’insu de Naldeo », écrit-il, tout en reconnaissant que le transfert de fichiers Suez à Veolia « s’est manifesté à l’écran mais était difficilement perceptible » par le jeune ingénieur de la société. Le rapport étaye une série d’éléments contextuels favorables à Naldeo.
« Le processus est connu, habituel, maîtrisé de longue date et n’a jamais causé de souci […] on ne s’attend pas » à ce dysfonctionnement.
Même Naldeo peine à masquer sa responsabilité. La seconde fuite de documents, le 5 avril, intervient malgré plusieurs vérifications, ce qui prouve le dysfonctionnement informatique. Mais lors de la première fuite, la veille, « nous n’avons pas vérifié les opérations de partage de fichiers car ça n’a jamais été prévu dans le contrat avec le Sedif, reconnait une source proche de l’entreprise. On a manqué de zèle. »
Des conflits d’intérêt multiples
Le Syndicat des eaux d’Île-de-France et son expert défendent Naldeo. Ce qui fait grincer des dents dans le secteur de l’eau et des déchets. Les sociétés de maîtrise d’ouvrages sont peu nombreuses et donc incontournables.
« Naldeo est client du Sedif mais aussi de Veolia et Suez sur d’autres contrats, s’agace un dirigeant du secteur. Il y a un mélange des genres malsain ».
En 2017, l’entreprise était ainsi le conseil de Veolia pour l’exploitation d’une station d’épuration au Mans. Un an plus tard, elle a conseillé la métropole de Toulouse pour confier la gestion de l’eau à Veolia et l’assainissement à Suez.
La même année, en 2018, un mini-scandale, similaire à celui du Sedif, a eu lieu à Bordeaux. La Métropole avait commandé un audit à Naldeo pour choisir qui des deux géants de l’eau devait gérer l’assainissement. Son rapport recommandait Veolia alors que Suez était le gestionnaire historique de la ville de Bordeaux. Certains élus locaux avaient pointé des conflits d’intérêt, voire des accusations de corruption, selon Sud-Ouest.
Et en 2021, la Métropole de Nice, présidée par Christian Estrosi, avait fait un signalement auprès du procureur pour des soupçons de favoritisme. Ses services avaient attribué un incinérateur à Veolia alors que son offre était plus chère que celle de Suez. Une décision rendue sur la base d’un audit mené par… Naldeo.
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