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Publié le 21 déc. 2023 à 6:12Mis à jour le 25 déc. 2023 à 9:37
Il était minuit moins une. Mardi matin, à quelques heures de la commission mixte paritaire sur le projet de loi immigration qui allait finir de mettre le feu au monde politique , le président du Medef, Patrick Martin, mettait les pieds dans le plat.
« Ce ne sont pas les patrons qui demandent massivement de l’immigration, c’est l’économie », a expliqué le patron des patrons sur Radio Classique. Pour ce dernier, « d’ici à 2050, nous aurions besoin, sauf à réinventer notre modèle social, sauf à réinventer notre modèle économique, de 3,9 millions de salariés étrangers ».
« Un sujet complexe »
Cette sortie intervenait après plusieurs mois d’une relative diète médiatique sur le sujet de la part du patronat. « Cette discrétion était une ligne assumée. Beaucoup de volets du projet de loi dépassent la légitimité du Medef. Et puis voir le patronat plaider pour de l’immigration économique, ça peut susciter des critiques violentes et avoir des effets contre-productifs », décrypte un de ses dirigeants.
Même retenue pour la CPME. « On peut dire que nous sommes restés timides dans nos prises de parole, de peur d’être pris en otage par un camp ou un autre. L’immigration est un sujet complexe qui nécessite un choix politique de la nation, ce n’est pas aux entrepreneurs de décider », explique aux « Echos » François Asselin, le président de l’organisation représentant les PME.
Railleries du monde politique
Ce réveil tardif a suscité des railleries au sein du monde politique. Le président de la commission des Lois à l’Assemblée nationale, Sacha Houlié (Renaissance), s’est dit ce mercredi « atterré » par ces patrons qui « sont restés muets 18 mois » tout en « nous donnant dans nos permanences des dossiers pour régulariser leurs salariés ».
Quant au maire LR de Cannes, David Lisnard, il s’est fendu d’un message sur X pour fustiger avec des accents marxistes « l’immigration comme armée de réserve du patronat ». Une sortie qui n’améliore pas sa popularité au sein du milieu des affaires, alors qu’il avait déjà peu impressionné lors d’une audition récente par l’Afep, le cercle des grandes entreprises.
Plusieurs raisons dictent ce changement de pied du Medef, décidé par ses instances. Certains estiment que cette sortie « permet de mettre fin à la petite musique d’une nouvelle mansuétude du monde du business à l’égard du Rassemblement national », selon un dirigeant. Les organisations patronales doivent faire avec des PME dont des dirigeants peuvent être tentés par un vote Marine Le Pen, mais en réalité c’est moins l’immigration que le poids grandissant de l’Etat qui les motive, selon un vieux routier du monde économique.
Hystérisation des débats
Surtout le monde des affaires s’inquiète de l’hystérisation du débat autour de l’immigration. Ce n’est pas tant la question de la régularisation des travailleurs sans papiers, qui a pourtant polarisé les discussions parlementaires. « Un sujet sensible, mais mineur à nos yeux », a insisté Patrick Martin. Ce mercredi, la Première ministre, Elisabeth Borne, a indiqué que le texte voté allait permettre de doubler le nombre de régularisations par an, de 10.000 à 20.000, sans préciser sur quoi reposaient ces prévisions nouvelles.
En revanche la question de l’immigration de travail – qui ne représentait en 2022 que 16 % des visas délivrés en France – suscite de vraies inquiétudes, alors que le pays s’apprête à vivre un vieillissement accéléré.
« En France, la population active va commencer à baisser à partir de 2036 », a expliqué Patrick Martin. « On a beaucoup de mal à faire venir des ingénieurs, ce qui nous pénalise en termes de compétitivité », a-t-il rappelé, citant aussi l’exemple des métiers d’aide à la personne pour lesquels « 800.000 postes sont à pourvoir d’ici à 2030 ». « Bien sûr il faut attirer en priorité les personnes éloignées de l’emploi. Mais doit-on faire le choix de faire venir des travailleurs de l’étranger ? Nous le pensons », a-t-il souligné.
Concurrence européenne
Un rapport de 2021 du Conseil d’analyse économique avait déjà pointé du doigt les difficultés de la France en la matière, le pays ayant fait le choix d’attirer une « immigration peu qualifiée, peu diversifiée et peu nombreuse ». Le sujet est peu traité dans le projet de loi, sinon par la création d’un titre de séjour talent, limité à quatre ans et réservé à des diplômés bac +5.
Le patronat français semble s’inquiéter de la concurrence sur l’immigration de travail qui semble s’instaurer en Europe. L’Allemagne envisage de mettre en place un système de quotas par points similaire à celui du Canada.
Même l’Italie de Giorgia Meloni vient d’opérer un spectaculaire revirement en la matière. La dirigeante d’extrême droite, sous la pression du patronat , a approuvé cet été l’octroi de 452.000 nouveaux permis de séjour pour répondre aux besoins de main-d’oeuvre. « C’est surprenant de voir qu’il y a une plus grande maturité en Italie par rapport à la France sur le sujet », souligne un dirigeant du Medef.
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