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On ne prête qu’aux riches. A l’approche des élections européennes, les allégations d’ingérence d’une Russie coutumière des opérations d’espionnage et de déstabilisation se font pressantes.
Sans preuves irréfutables, pour l’instant, visant tel ou tel parti ou député. Un seul eurodéputé, la Lettone Tatjana Zdanoka, a été pris la main dans le sac. Plus précisément, le site russe indépendant d’information, The Insider, généralement fiable, a publié les échanges de mails ayant eu lieu durant une vingtaine d’années (entre 2014 et 2022) entre deux agents patentés du FSB russe avec cet eurodéputé du groupe écologiste.
Des soupçons dans six pays
Le Premier ministre belge, Alexander de Croo, a, certes, déclaré fin mars que la Russie avait payé des eurodéputés pour qu’ils servent la propagande russe, mais il n’a pas désigné de suspects. Soit faute d’éléments probants, soit pour ne pas perturber une enquête en cours des services de renseignement de son pays, déclenchée à la suite de révélations des services de renseignements tchèques sur un site d’information, Voice of Europe, lié à un oligarque proche de Vladimir Poutine.
Selon la presse tchèque, Petr Bystron, le porte-parole de la politique étrangère du parti d’extrême droite allemand AfD, bien placé sur la liste de son parti aux européennes, aurait accepté 25.000 euros de ce réseau pour influencer l’opinion publique européenne.
Les députés compromis, aux dires d’Alexander de Croo, seraient allemands, français, hongrois, polonais, néerlandais et belges. La Française Nathalie Loiseau, présidente Renew de la commission Sécurité et Défense du Parlement européen, a rappelé que l’alerte a déjà été lancée à maintes reprises sur les ingérences russes au sein du Parlement européen et que si ces tentatives aboutissaient, « cela porterait gravement atteinte à la réputation de notre institution ». Le Rassemblement national, régulièrement accusé d’être une courroie de transmission du Kremlin et dont l’eurodéputé Thierry Mariani défend des thèses plutôt favorables à la Russie vis-à-vis de l’Ukraine, a affirmé aussitôt qu’aucun de ses eurodéputés n’avait été approché.
Le Kremlin assume candidement sa volonté d’interférer lors des européennes
Ces soupçons à Strasbourg sont parfaitement logiques, souligne David Colon, professeur à Sciences Po Paris et auteur du livre « La guerre de l’information, les Etats à la conquête de nos esprits » (aux éditions Tallandier), ne serait-ce que parce que « le Kremlin assume clairement sa volonté d’interférer dans les élections européennes ». En effet, Dmitri Medvedev, numéro deux du Conseil national de sécurité, a déclaré le 4 février dernier qu’il importait de soutenir les dirigeants politiques européens favorables à Moscou « de toutes les manières possibles, officielles ou secrètes ».
« L’ingérence ne se limite pas au financement de partis politiques, la corruption d’élus, le piratage de boîtes mail, ou la diffusion de fake news sur des dirigeants, ajoute David Colon, car cela peut être plus rentable d’acheter un influenceur sur les réseaux sociaux, ou un think tank complaisant. »
La corruption d’élus, dont l’avantage pour le Kremlin est qu’elle permet de gagner à tous les coups – « que cet élu défende un agenda favorable à la Russie ou qu’il soit démasqué, auquel cas cela fait douter des institutions démocratiques, ce qui est au fond, l’objectif essentiel du Kremlin » -, n’est que la partie émergée de l’iceberg. « Moscou déploie tous les vecteurs d’interférence pour peser sur le débat public et les perceptions de citoyens. » Une tactique multicouche : actions secrètes du SVR, le service de renseignement de l’Etat, et du GRU, le service secret de l’armée, amplifications sur les réseaux sociaux via des relais stipendiés, ou simplement ce qu’on appelle des idiots utiles, et actions légales des ambassades, ou des médias russes.
Ce système informationnel vaste et sophistiqué s’appuie aussi bien sur les fameuses usines à trolls, d’innombrables boucles Telegram et faux comptes sur X diffusant les mêmes fake news en rafale, que sur les communiqués officiels, qui même démentis ensuite, sèment le doute dans l’opinion.
Opération Doppelgänger
Le chef-d’oeuvre de la désinformation russe depuis le début de la guerre en Ukraine semble être l’opération surnommée Doppelgänger (double maléfique) par ceux qui l’ont dévoilée en septembre 2022. Elle consiste en la création de doubles numériques imitant graphiquement de grands organes de presse, ou des organisations en France, Allemagne, Italie et Royaume-Uni. Ces faux sites publiant des articles critiquant l’Occident et son soutien à la guerre en Ukraine sont relayés par des ambassades et centres culturels russes, ainsi que par de multiples faux comptes sur Facebook et X, avec une ligne éditoriale simple : présenter comme inéluctable et justifiée une victoire russe en Ukraine.
Il s’agit de convaincre les Européens que leur pays est au bord de l’effondrement économique, ou sécuritaire, que leurs dirigeants leur mentent, ou sont corrompus. Après s’être impliqué dans la campagne pour le Brexit, ou la présidentielle américaine de 2016 au profit de Donald Trump, ce qui avait suscité le scandale Russiagate, Moscou agit aujourd’hui auprès des indépendantistes, basques, écossais, corses, catalans, néo-calédoniens. Les réseaux russes ont toutefois été déstabilisés par l’expulsion par les pays européens de nombreux agents sous couverture diplomatique à la suite de l’invasion de l’Ukraine.
Ces réseaux sont déjà actifs pour déstabiliser les Jeux Olympiques, dont la Russie est exclue depuis 2017 sans perspective de retour à court terme, à Paris, avec des messages faisant le parallèle avec les Jeux de Munich de 1972*. Le scrutin européen constitue l’autre enjeu crucial pour le Kremlin, dont il faudra surveiller, avertit David Colon, les éventuelles actions de désinformation le 7 juin à minuit, puisqu’elles seront difficiles à contrer pour cause de silence électoral imposé par la loi.
La France visée
Le Kremlin est engagé dans une guerre informationnelle contre la France, a reconnu le Quai d’Orsay le 15 février dernier. Viginum, l’organisation française de lutte contre les ingérences numériques étrangères, a identifié à l’époque l’acteur clé de cette offensive, le réseau Portal Kombat. Ce dernier ne coordonne rien moins que 193 sites d’informations, avec automatisation massive de la diffusion de contenus et l’optimisation du référencement sur les moteurs de recherche. Il s’agit de mener des opérations de désinformation sur tous les sujets de société et pas seulement en période électorale, notamment les gilets jaunes, l’immigration, la révolte des agriculteurs, la réforme des retraites, ou l’importation dans l’Hexagone de la guerre en Ukraine ou du conflit entre Israël et le Hamas.
La DGSI, le service français de sécurité internationale, estime aussi que la 5e division du FSB, en charge des opérations de déstabilisation internationale, était à la manoeuvre lorsqu’une soixantaine d’étoiles de David ont été taguées à Paris, juste après l’attaque du Hamas en Israël, le 7 octobre dernier.
Des experts estiment que la France est actuellement une cible prioritaire du Kremlin en raison de sa position devenue très ferme sur la guerre en Ukraine, mais aussi de son statut traditionnel de membre turbulent de l’Alliance atlantique.
* Les JO de Munich ont été marqués par une prise d’otages sanglante (onze athlètes israéliens retenus par un commando palestinien) qui a fait 17 morts.
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