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Publié le 12 juil. 2023 à 18:02Mis à jour le 12 juil. 2023 à 18:50
Dans le monde des affaires, c’est un tournant historique. Après trente ans de lutte avec les avocats et les pouvoirs publics, les juristes d’entreprise ont fini par obtenir la reconnaissance de la confidentialité de leurs avis et consultations internes. Lundi soir, les députés ont voté cette disposition dans le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice. Ils ont, ainsi, emboîté le pas des sénateurs qui avaient, le 8 juin dernier, adopté l’amendement du président du groupe centriste, Hervé Marseille.
A l’Assemblée nationale, pour emporter les votes des députés, le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, a plaidé que l’absence de confidentialité nuisait à l’attractivité de la France. De nombreuses directions juridiques choisissent en effet de s’établir notamment dans les pays anglo-saxons et en Belgique, qui offrent un tel « legal privilege ».
Cette confidentialité des avis juridiques, votée le 10 juillet, est toutefois encadrée. Celui qui rend l’avis doit être titulaire d’un master en droit ou d’un diplôme équivalent français ou étranger, et il doit justifier du suivi de formations initiale et continue en déontologie.
Le texte précise aussi la liste exclusive des destinataires des échanges protégés. Par ailleurs, les consultations concernées doivent porter la mention « confidentiel – consultation juridique juriste d’entreprise ». Elles doivent faire l’objet, à ce titre, d’une identification et d’une traçabilité particulières dans les dossiers de l’entreprise.
Pas opposable au pénal et au fisc
Surtout, la confidentialité n’est pas opposable dans le cadre d’une procédure pénale ou fiscale. En clair, les juges pénaux et le fisc ont accès à ces documents. Mais la société n’a pas à communiquer ces pièces aux tribunaux civils ou de commerce, ni aux autorités administratives indépendantes comme l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’Autorité de la concurrence, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), ou encore l’Agence française anticorruption (AFA).
La profession, qui regroupe 20.000 juristes d’entreprise ou de banque s’est félicitée de cette victoire. « C’est un grand progrès pour l’Etat de droit, pour l’intérêt général et la prévention des infractions et de la fraude dans notre pays et en Europe. C’est une affirmation de la souveraineté économique par le Droit », ont indiqué l’Association française des juristes d’entreprise (AFJE), l’Association nationale des juristes de banque (ANJB), et le Cercle Montesquieu (association des directeurs juridiques).
Cette joie est loin d’être partagée par tous. Début juillet, l’AMF avait alerté le gouvernement sur les risques que cette confidentialité représente pour elle. Les pièces dont les enquêteurs demandent la remise (visites sur pouvoirs propres) ou qu’ils saisissent (visites domiciliaires) auprès des sociétés cotées et autres entités régulées – surtout dans des cas d’abus de marché -, comportent très souvent des avis juridiques. Dans bon nombre de dossiers aujourd’hui clôturés, les travaux d’enquêtes et de contrôles auraient été entravés, voire n’auraient pas pu aboutir, selon l’AMF, si un « legal privilege » du juriste d’entreprise lui avait été opposé.
Le projet de loi prévoit malgré tout des cas de levée de la confidentialité pour une autorité administrative qui peut en faire la demande auprès du juge des libertés et de la détention. Mais, ce dispositif vient compliquer et retarder le déroulé des enquêtes ou des contrôles.
Avocats vent debout
Les avocats, eux, sont vent debout contre cette réforme. Début juillet, le CNB (Conseil national des barreaux) s’était formellement opposé à ce texte, « porteur d’incertitude juridique de nature à nuire aux intérêts des entreprises et donc de complexification de leurs droits ». En 2021, déjà, le sujet avait été abordé lors des débats sur la loi de confiance dans l’institution judiciaire. Le député Raphaël Gauvain avait alors soutenu la création du statut d’ avocat salarié en entreprise, une proposition un peu différente mais qui aurait abouti au même résultat. Les avocats s’y étaient opposés.
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