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Deux ans après l’adoption du bitcoin comme monnaie légale au Salvador, quel bilan peut-on tirer? BFM Crypto fait le point.
Il est l’Etat béni des bitcoiners. Le 7 septembre 2021, le Salvador adoptait sa « Ley Bitcoin », devenant le premier pays au monde à accepter le bitcoin comme monnaie légale. Aujourd’hui, le bitcoin n’est donc plus une cryptomonnaie mais bien une monnaie dans ce pays, au même titre que le dollar, monnaie légale depuis 2001. Selon cette Ley Bitcoin qui tient en 16 articles, il est précisé que « tout agent économique doit accepter le bitcoin comme moyen de paiement », que les contributions fiscales « peuvent être payées en bitcoin » ou encore que les échanges en bitcoins « ne seront pas soumis à l’impôt sur les plus-values, comme toute monnaie ayant cours légal. »
Un paradis pour les bitcoiners. Avec cette loi, les attentes du président du Salvador, Nayib Bukele, sont colossales. D’une part, il veut accroître la « richesse nationale » de son pays, en attirant des investisseurs étrangers et en résolvant des problèmes économiques internes. L’adoption du bitcoin permettrait de réduire l’exclusion financière (70% des Salvadoriens n’ont pas accès à des services financiers traditionnels) mais aussi de faciliter les transferts d’argent de quelques 3 millions d’émigrés vers le Salvador, en économisant 400 millions de dollars de frais bancaires par an.
« Aucun usage »
Deux ans après l’adoption de cette loi au Salvador, quel bilan peut-on tirer? Au début de l’année, Nayib Bukele a indiqué que le Chivo, le portefeuille crypto du gouvernement qui permet de payer en bitcoin, comptait près de 4 millions d’utilisateurs (sur une population de 6,5 millions), soit plus de 60% de la population.
Mais dans les faits, la réalité serait tout autre. En 2022, 24,4% des Salvadoriens ont utilisé le bitcoin en 2022 pour payer, 75,6% s’en passant, selon un sondage de l’Université d’Amérique Centrale (UCA). De même, 65,5% des Salvadoriens considèrent l’adoption du bitcoin comme un échec, 16,5% comme un succès et 18% sont sans opinion.
« Je ne vois aucun usage à cette monnaie, ce n’est que de la propagande. Où est le bénéfice? Il n’y en a pas. C’est un mauvais investissement », a récemment expliqué à l’AFP Juan Antonio Salgado. « C’est du vol », peste-t-il, en référence à son extrême volatilité.
De même, selon le bureau national de recherche économique (NBRE), un organisme privé américain, 40% de tous les téléchargements de Chivo ont eu lieu en septembre 2021, contre « presque aucun » en 2022. En février 2023, seulement 20% des Salvadoriens continueraient à l’utiliser. De même, seulement 20% des entreprises accepteraient le bitcoin comme moyen de paiement. « Les commerçants n’ont jamais été formés au départ. La plupart connaissaient le bitcoin mais ne voyaient pas d’intérêt », explique à BFM Crypto Renaud Lifchitz, directeur scientifique d’Holiseum, expert blockchain.
Mais le problème majeur qui colle à la peau du bitcoin est celui de sa volatilité. Pour rappel, le bitcoin a atteint un pic à 69.000 dollars en novembre 2021 et s’échange aujourd’hui autour des 25.000 dollars.
Pour beaucoup de Salvadoriens, il existerait d’ailleurs une confusion entre le portefeuille crypto Chivo et le bitcoin, certains considérant qu’ils ne pouvaient détenir des bitcoins que grâce à ce portefeuille. Aujourd’hui, les Salvadoriens peuvent payer en bitcoin en passant par le Chivo, qui est « custodial ». Ils peuvent aussi utiliser d’autres wallets « non custodial » afin de préserver leurs bitcoins comme leur identité.
« Une opération séduction du gouvernement a offert 30 dollars en bitcoin à tout ceux qui ouvraient un compte Chivo. Malheureusement, de nombreux Salvadoriens sur place m’ont dit qu’en raison de faibles vérifications d’identité, des inconnus leur avait volé cette prime en ouvrant un compte à leur place, déclenchant chez eux de la frustration », explique Renaud Lifchitz.
Le bitcoin reste par ailleurs très peu utilisé pour les transferts internationaux, contrairement aux souhaits de Bukele. Selon la Banque centrale du Salvador, entre janvier et juillet 2023, seulement 1% des 4,71 milliards de dollars d’envois de fonds depuis l’étranger sont arrivés au Salvador via le Chivo. En 2022, cette part était de 1,7 % des 4,6 milliards de dollars d’envois de fonds depuis l’étranger.
Des projets qui inquiètent
Il n’y a pas que les Salvadoriens qui boudent le bitcoin, de nombreuses institutions internationales, dont le FMI et la Banque Mondiale, s’inquiètent pour la stabilité financière d’un pays, dont la dette publique dépasse les 80% du PIB. Certains projets du président salvadorien sont pointés du doigt, à l’instar de la création d’une « Bitcoin City » alimentée par l’énergie géothermique d’un volcan de la région. Un projet annoncé en novembre 2021 mais toujours pas mis sur pied.
Selon l’agence de notation financière Moody’s, le gouvernement a dépensé environ 375 millions de dollars pour le déploiement du bitcoin, « dont environ 106 millions de dollars provenant du Trésor pour acheter des bitcoins, entraînant des pertes non réalisées d’environ 57 millions de dollars ». Aujourd’hui, le gouvernement détient environ 2381 bitcoins. Selon le sondage de l’Université d’Amérique Centrale (UCA) cité plus haut, 77% des Salvadoriens considèrent que le gouvernement ne devrait pas continuer à utiliser de l’argent public pour acheter du bitcoin, contre 14% qui s’y disent favorables et 8% qui sont « sans opinion ».
« Sentiment de liberté »
Deux ans après l’adoption du bitcoin au Salvador, d’autres se réjouissent d’une telle mesure. Le Salvador est devenu un exemple pour certains pays, incitant d’autres Etats à se lancer dans l’aventure, à l’instar de la Centrafrique, mais également deux régions: Próspera au Honduras et les îles portugaises de Madère.
Par ailleurs, les échanges en bitcoin permettent de se transférer des dollars américains. Cela facilite la vie des étrangers détenant du bitcoin venant au Salvador, puisque le bitcoin est accepté par tous les commerces. « Cela donne un sentiment de liberté, avec un smartphone on peut tout faire. Il y a deux ans, certains commerces en France n’acceptaient pas le paiement sans contact avec le smartphone », confie Renaud Lifchitz.
« Quand le bitcoin est devenu une monnaie légale, beaucoup de Salvadoriens l’ont adopté, puis il y a eu le marché baissier et les Salvadoriens l’ont moins utilisé. Le Salvador a donc décidé d’axer sur l’éducation, pour que les jeunes s’approprient cette technologie », explique Rogzy, le patron de la société Découvrebitcoin.
Ce dernier fait partie des rares Français à accompagner le gouvernement salvadorien dans ces projets d’éducation avec le bitcoin.
Programmes éducatifs
L’été dernier, le Salvador a par exemple présenté un programme éducatif baptisé Cubo +, visant à former des développeurs bitcoin. Un an après, plusieurs étudiants ont terminé le programme. De même, le gouvernement entend installer un nœud Lightning Network et un distributeur de bitcoins dans les 6000 écoles du pays. Aujourd’hui, seule une école est concernée mais il doit y avoir 5 écoles pilotes d’ici novembre.
« Il faut que les étudiants s’approprient le bitcoin, apprennent à coder, à programmer sur le Lightning Network. Le Salvador forme de jeunes talents afin de répondre aux besoins d’une industrie Bitcoin en pleine expansion », explique Rogzy.
Dans la même veine, le programme éducatif, Primer bitcoin, lancé au mois de septembre, entend enseigner le bitcoin au sein de 75 écoles publiques. Le Salvador semble donc mettre les bouchées doubles pour justifier son choix de faire du bitcoin une monnaie légale. Alors que l’adoption devrait se faire petit à petit au Salvador, certains Français, bitcoiners maximalistes, ont déjà fait le choix d’y vivre toute l’année.
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