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Publié le 10 oct. 2023 à 18:12Mis à jour le 10 oct. 2023 à 18:20
La fraude est un objet de fantasmes à droite comme à gauche de l’échiquier politique. Les uns dénoncent l’évasion fiscale, les autres les arnaques aux prestations sociales. Tous déplorent l’effet délétère sur le consentement à l’impôt et sur la cohésion nationale. Tous pointent le manque à gagner pour les caisses de l’Etat.
Mais personne ne connaît la portée réelle du phénomène. « Une question reste sans réponse : l’administration fiscale parvient-elle à récupérer 10 %, 20 % ou 50 % des montants fraudés ? » demandait déjà l’an dernier un rapport d’information du Sénat sur le sujet.
Pour y répondre, le gouvernement a lancé ce mardi le Conseil d’évaluation des fraudes. Composé d’une trentaine de membres, il doit se réunir tous les trois mois et fournir, d’ici à l’été, une première évaluation des sommes en jeu. Thomas Cazenave, le ministre des Comptes publics, le reconnaît : « Nous avons besoin d’y voir plus clair sur la réalité de la fraude ».
Trous dans la raquette
Ce nouveau Conseil d’évaluation comprend les directeurs des principales administrations concernées (DGFiP, Douanes, caisses de Sécurité sociale, Pôle emploi, Urssaf…), mais pas seulement. Quatre parlementaires – dont un sénateur socialiste et une députée LFI – en font également partie, ainsi que deux économistes – Gabriel Zucman et Emmanuelle Taugourdeau – des universitaires spécialistes du droit fiscal et plusieurs experts comme le président de Transparency International ou encore l’ancien directeur de la politique fiscale de l’OCDE, Pascal Saint-Amans.
« Des travaux ont été faits, par la Cour des comptes notamment, sur la fraude aux cotisations et la fraude aux prestations sociales – à peu près 8 milliards de part et d’autre. On a une évaluation de la fraude à la TVA, dont on a pu reparler ce matin avec la DGFiP, autour d’une vingtaine de milliards », a expliqué Thomas Cazenave à la sortie de la première réunion. Mais cela est loin de couvrir tout le spectre de la fraude. Il y a des trous dans la raquette. « Sur certains sujets, nous n’avons aucun chiffre. Il faut faire ce travail de complétude », a plaidé le ministre.
Contrôle aléatoire
Pour ce qui est de la fiscalité, le groupe de travail s’est mis d’accord pour avancer en priorité sur les fraudes à l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés. Du côté des Douanes, un coup de projecteur sera donné sur la fraude au tabac. Enfin, dans le champ social, le nouveau Conseil d’évaluation se penchera en particulier sur les fraudes à l’Assurance Maladie.
Pour disposer d’un panorama le plus exhaustif possible, les administrations ont convenu de disposer, dans tous leurs réseaux, de mécanismes de contrôle aléatoire. « Il a été clairement dit qu’il s’agissait de la seule méthode statistiquement valable pour chiffrer la fraude, impôt par impôt, et déceler des choses qui passent sous les radars. C’est une proposition que je faisais dans mon rapport sur l’évasion fiscale et que portent plusieurs ONG », se félicite la députée LFI Charlotte Leduc.
« La fraude est par nature inobservable. Lorsque de nouveaux mécanismes – comme la fin du secret bancaire – permettent de mettre la lumière sur un pan du phénomène, il faut en tirer des enseignements », ajoute Pascal Saint-Amans. L’ex-pourfendeur des paradis fiscaux juge très positivement le travail de fond réalisé par les administrations françaises et les nouvelles ressources qui sont affectées aux organismes de contrôle. « Il manquait un ensemblier. Cela peut être le rôle du Conseil d’évaluation, assure-t-il. Ce travail doit aider à mieux affecter les moyens et calibrer les politiques de lutte contre la fraude. »
Une dizaine de milliards recouvrés
Faute d’estimation crédible de la fraude, le gouvernement a tout de même à sa disposition un chiffre : celui des recouvrements perçus par l’administration fiscale au terme de ses contrôles. Ceux-ci avoisinaient 11 milliards d’euros en 2021. C’est à la fois beaucoup pour le budget de l’Etat, et peu puisque cela ne représente que la moitié de la seule fraude estimée à la TVA…
Le gouvernement ne compte pas attendre les premières conclusions du nouveau Conseil d’évaluation pour agir. Dans le projet de loi de finances pour 2024 , il a inscrit une dizaine de mesures pour renforcer la lutte contre les fraudes. Des dispositifs expérimentaux sont prorogés ou pérennisés, comme la collecte de données sur les réseaux sociaux ou l’enquête en ligne sous pseudonyme. Des failles du système juridique exploitées par des fraudeurs à la TVA sont colmatées. Les obligations des entreprises, par exemple en termes de documentation de leurs politiques de prix de transfert, sont renforcées et les sanctions durcies.
Le gouvernement refuse pour l’heure de fixer un objectif chiffré à son plan antifraude. « C’est très difficile si l’on n’a pas une vision plus complète et plus claire de la réalité du phénomène, justifie Thomas Cazenave. D’où l’enjeu, en même temps que l’on renforce l’arsenal juridique et les moyens, d’avoir ce travail évaluatif. »
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