Lazard et Elaia s’allient pour investir dans la tech

Alliance inédite dans la tech. Le fonds de capital-risque Elaia Partners est entré en négociations exclusives avec Lazard pour co-investir dans le capital croissance (« growth equity »). Le spécialiste de la deeptech (innovations de rupture), qui gère 700 millions d’euros d’actifs, va ainsi créer une société commune avec les équipes de gestion et de banque privée de Lazard. C’est le groupe bancaire qui détiendra la majorité du capital de la nouvelle entité. En revanche, celle-ci sera pilotée par le cofondateur d’Elaia Xavier Lazarus, avec une nouvelle équipe en cours de recrutement.

Ensemble, ils lanceront un nouveau fonds de plusieurs centaines de millions d’euros d’ici à fin 2024, en s’appuyant sur le réseau d’investisseurs et la force du réseau de distribution de Lazard, en Europe, mais aussi au Moyen-Orient et aux Etats-Unis.

« Nos clients à la fois privés et institutionnels expriment une forte demande pour le non-coté vis-à-vis de Lazard. Nous allons pouvoir leur offrir de nouvelles opportunités internes », indique François-Marc Durand, président de Compagnie Financière Lazard Frères. La banque d’affaires a recruté, en 2022, Philippe Englebert, ancien conseil chez Emmanuel Macron, qui est à l’origine du partenariat.

Une plateforme complète pour le financement de la tech

De son côté, Elaia s’assure un accès déterminant dans les secousses actuelles du capital-risque, où les levées de fonds sont difficiles à boucler. « C’est le moment d’investir. Les valorisations atterrissent, la technologie et la deeptech sont des valeurs sûres, estime Xavier Lazarus. Que ce soit en 2002, post-bulle Internet, en 2011 dans l’amorçage ou en 2018 en partenariat avec des grands acteurs académiques comme PSL, nos investissements à contre-courant ont surperformé. »

Objectif pour les deux maisons associées ? Etre présents sur l’ensemble de la chaîne de financement, de l’amorçage à l’introduction en Bourse, en passant par cette nouvelle stratégie de « growth equity ». Aujourd’hui, il existe peu de sociétés de gestion européennes capables d’accompagner une start-up tout juste créée jusqu’à l’introduction en Bourse, et au-delà, contrairement aux Etats-Unis.

Ce nouveau fonds vient aussi combler un trou dans le monde du financement de la tech non cotée. Peu de fonds français sont actuellement en mesure de signer de gros chèques pour créer de futurs champions de la tech. Ce sont majoritairement des fonds américains qui sont entrés au capital des licornes françaises nées lors de l’euphorie de 2021 et 2022.

Il y a quelques semaines, l’américain PSG Equity a bouclé un véhicule de « growth equity » record de 2,6 milliards d’euros pour investir uniquement en Europe. En début d’année, l’Europe a lancé un fonds de fonds européen doté de 3,75 milliards d’euros qui sera déployé dans des fonds de capital-risque de croissance (« growth »). Objectif : atteindre les 5 milliards d’euros, qui seront complétés par 5 milliards supplémentaires de la part d’investisseurs privés (assureurs, banques, etc.). Ce projet vient en complément de l’initiative Tibi, dont le deuxième volet a permis de réunir 7 milliards d’euros pour les fonds de « late stage » et d’« early stage ».

De nouvelles acquisitions ?

La banque d’affaires, qui gère près de 40 milliards d’euros d’actifs en France, prendra aussi une minorité du capital d’Elaia et grimpera progressivement jusqu’à en prendre le contrôle dans les années futures, selon nos informations. Les conditions financières sont encore en cours de discussion, mais les grands axes sont d’ores et déjà actés.

Cette prise de participation va permettre au fonds de capital-risque de financer sa propre croissance et de lancer de nouvelles stratégies dans les sciences de la vie, notamment en lien avec l’intelligence artificielle et dans les technologies de rupture de décarbonation.

Pour Lazard, c’est une première au sein du groupe dans le « growth », et un retour aux sources en Europe depuis le dénouement des liens avec Eurazeo. Depuis 2009 et le rachat, sous l’ère de l’ancien dirigeant Bruce Wasserstein, du fonds américain Edgewater, l’institution créée en 1848 n’avait pas conduit d’autres rapprochements.

L’alliance menée avec Elaia pourrait désormais en présager d’autres. Peter Orszag, le nouvel homme fort de la banque d’affaires, ambitionne de doubler ses revenus d’ici à 2030. Fin octobre, le dirigeant a clairement annoncé étudier des opérations de croissance externe dans la gestion alternative.

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