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Publié le 1 nov. 2023 à 11:00
Imposante masse de couleur cuivre, le bâtiment de la centrale thermique et électrique Exergi est en plein coeur de Stockholm, posé au bord d’une étendue d’eau au centre d’un quartier animé, à proximité d’une école et d’une maison de retraite. La vieille centrale à charbon, qui fournissait l’électricité et le chauffage urbain à tout le centre de la capitale, a été remplacée en 2016 par une usine qui ne brûle que de la biomasse, des résidus de bois. Assez pour produire 135 MW d’électricité et 330 MW de chauffage urbain.
« En fermant la centrale à charbon on a réduit de 400.000 tonnes par an les émissions de C02 », souligne Fabian Levhin directeur de la R&D d’Exergi. Dans un bruit d’enfer, la turbine fournit assez d’électricité pour alimenter l’équivalent de 40.000 Tesla par jour.
Le carbone de la biomasse
Son nouveau défi aujourd’hui : capturer des émissions de CO2 tout en récupérant de la chaleur. Un projet vertueux car les gaz à effet de serre produits par de la biomasse (et donc « verts » par comparaison avec l’énergie fossile), une fois capturés et enfouis, pourront être considérés comme des émissions négatives. Et pourront alimenter un nouveau marché qui – en vendant des émissions négatives à des sites encore pollueurs -, permettra d’avancer vers la neutralité carbone.
Le défi est énorme pour une technologie neuve, chère et déjà controversée, car coûteuse en énergie et mal cadrée réglementairement. Certaines organisations de défense de l’environnement y voient un leurre, quand la priorité, selon elles, devrait être donnée à la réduction immédiate et massive des émissions de CO2.
Le site d’Exergi a mis en place un projet pilote (Bio-Energy Carbon Capture and Storage ou BECCS) qui attire, depuis 2019, l’attention de l’Europe entière. La présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, tout comme le roi de Suède, sont venus observer de près l’initiative. Cent-quatre-vingts millions d’euros ont été débloqués par le fonds d’innovation de l’Union européenne pour passer à la phase suivante : la construction d’une usine de capture de CO2 qui sera achevée en 2027.
« Aspirateur à carbone »
« On veut construire un aspirateur à carbone, tout comme un aspirateur à poussière », explique Fabian Levhin. Le CO2 est capturé depuis la centrale thermique et électrique et traité avec du potassium carboné pour être compressé à 7 bars. Il est ensuite transformé en un fluide qui sera transporté par bateau depuis le pont qui jouxte le site de l’usine pour être enterré dans une roche granitique poreuse à 3.000 mètres de profondeur. La Norvège, le Danemark et l’Islande sont les premiers à offrir ces sites enfouis.
« Si on développe ce type d’unités et qu’on en construit 600 dans le monde d’ici à 2050, on pourra vendre l’équivalent de 520 millions de tonnes d’émissions négatives », poursuit le directeur de la R&D. Une production utile pour contrebalancer une partie des émissions de C02 encore produites par des énergies fossiles et qui donnera naissance à un « marché volontaire du carbone » où l’on pourra acheter des émissions négatives.
Ventes aux enchères
La Suède va investir 36 milliards de couronnes suédoises pour créer un stock d’émissions négatives qui seront ensuite vendues aux enchères. Les objectifs sont ambitieux, avec l’idée de créer un nouveau business model.
« En 2030, on ne devrait plus voir de fumées de nos cheminées d’usine en Suède, car capturer le CO2 devrait rapporter de l’argent. Certaines émissions ‘vertes’ seront exportées vers la Norvège et produiront donc des émissions négatives. D’autres seront utilisées pour être combinées avec de l’hydrogène afin de produire des e-carburants comme le méthanol », indique Svante Axelsson, coordinateur national du gouvernement suédois pour le programme Fossil Free Sweden.
« Nous voulons revenir aux concentrations de 1985 en termes d’émissions de CO2 dans l’atmosphère. Si on ne vise que le net zéro, on ne résout pas le problème. Il faut qu’on utilise ces émissions négatives pour produire un effet négatif sur la planète, pas un effet neutre », affirme Svante Axelsson.
Depuis une vingtaine d’années, les industriels suédois se veulent à la pointe de la transition écologique, poussés par la mise en place d’une taxe carbone qui s’est avérée une stratégie payante.
L’illustration d’un « capitalisme pragmatique et socialement responsable », observe Julien Gennetier, vice-président pour la division énergie de la société Alfa Laval . Cet industriel suédois, spécialisé dans les échangeurs thermiques, la séparation et le transfert de fluides, est très présent dans le secteur de l’énergie, de l’agroalimentaire ou des transports. « L’amélioration de l’efficacité énergétique est une étape incontournable dans la transition énergétique », assure Julien Gennetier.
La privation de gaz russe en Europe après l’invasion en Ukraine, n’a fait que renforcer la tendance. Les grandes réglementations pour la transition écologique, l’IRA comme le Green Pact européen, commencent aussi à faire leur effet et contribuent à accélérer le mouvement.
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