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L’essoufflement de l’activité du neuf pèse lourd pour les artisans du bâtiment. Maçons, chauffagistes, décorateurs… De nombreuses professions sont touchées.
« Je suis inquiet, je ne sais pas comment va évoluer la situation »: Eyup Otuk, chauffagiste installé en Alsace, regarde avec une pointe d’inquiétude la situation dans le secteur de la construction, où l’activité des artisans dévisse. « Ça va? Il rentre le bac? » « Oui nickel! » En cette matinée pluvieuse, Özcan Kucan et Rouslan Kazimagomew, deux employés d’une petite entreprise de sanitaire-chauffage, installent un bac à douche dans une maison en construction.
Installé près d’un champ de houblon à Niederschaeffolsheim (Bas-Rhin), commune de 1.400 habitants au nord de Strasbourg, le bâtiment fait partie d’un lotissement d’une vingtaine de maisons et deux immeubles, explique leur patron, Eyup Otup. Devant l’entrée, des morceaux de briques cassées crissent sous les pieds des ouvriers. A l’intérieur, des déchets de chantier jonchent le sol, des gaines électriques sortent des murs en placo encore nus. « Le chantier a débuté en 2022 et aboutira au 1er trimestre 2024 », explique Eyup Otup, 36 ans. Il a lancé sa société fin 2019 et emploie actuellement quatre personnes, qui travaillent essentiellement sur des chantiers dans le Bas-Rhin.
Une activité en recul
En 2020, il y avait « beaucoup, beaucoup de chantiers » neufs, « j(‘en) réalisais à peu près 40 à 45 » par an avec deux salariés, se souvient Eyup Otuk. « Aujourd’hui, (…) on tourne sur 70 à peu près. Mais l’année prochaine, si on arrive à 50, ça sera très bien… » Or, avec quatre salariés, « j’ai besoin de (…) 70 ou 80 chantiers » par an, explique-t-il, redoutant de devoir licencier l’un de ses employés.
Un essoufflement de l’activité du neuf qui s’explique par une conjoncture obérée par plusieurs crises majeures (Covid, guerre en Ukraine) et leurs corolaires (inflation, hausse du coût des matières premières et des taux de crédit…). Conséquence pour les artisans du bâtiment: une activité en recul de 1% au troisième trimestre 2023 (-1,5% dans le Grand Est), la construction neuve accusant quant à elle un recul de 3% sur un an, selon la Capeb, leur organisation professionnelle.
Les maçons sont les plus exposés, avec une érosion de 1,5% de leur chiffre d’affaires global. Moins touchés, les chauffagistes, les aménageurs, les couvreurs ou encore les décorateurs et plâtriers accusent eux un recul de 0,5%, selon la même source. A plus long terme, le tableau est inquiétant. « Il y a clairement une chute des permis de construire qui dépasse 30% au niveau national », relève Maurice Karotsch, président de la Capeb du Grand Est.
« Ce sont des chiffres assez alarmants. Les premières entreprises concernées sont celles de la construction et de la rénovation et d’ici six mois ce seront les entreprises du second oeuvre ». Ce repli selon lui « va se traduire, on ne l’espère pas, par des suppressions d’emplois ».
« L’avenir est flou »
« Le Covid et ensuite la guerre en Ukraine ont vraiment accéléré tout le reste », analyse Eyup Otuk, évoquant une hausse du coût de « 100% sur certains produits ». Pour l’heure, l’entrepreneur refuse de céder à la panique: « le planning est chargé pour les six prochains mois », relativise Eyup Otuk, dont la société est adossée à un promoteur-constructeur qui lui assure 95% de ses chantiers, quasi exclusivement des maisons.
Mais à plus long terme, les choses sont moins assurées: « Je suis inquiet parce que je sais pas comment va évoluer la situation », confie-t-il. « Aujourd’hui, les taux continuent de grimper, donc l’avenir est flou… » Ses salariés paraissent envisager les choses avec plus de sérénité: « il y a déjà eu des difficultés avant », notamment la crise de 2008, « et puis c’est passé », philosophe Özcan, 54 ans, spécialiste des pompes à chaleur. « Pour moi, c’est pas inquiétant. Il y aura toujours des pompes à chaleur à poser. C’est l’avenir ».
Eyup Otuk, lui, appelle de ses voeux un retour « à la normale »: il faut « que l’activité revienne à ce qu’elle était avant la guerre en Ukraine », tranche-t-il. « Ça va reprendre. Mais quand? »
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