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Sur la fin de vie, le chef de l’État a dessiné dimanche 10 mars les contours d’une troisième voie: celle d’une future « aide à mourir ». Sur les termes, l’exécutif se défend de toute précaution censée dépassionner le débat. Dans la majorité, on explique: si on veut créer un « modèle français », on peut utiliser « les mots qu’on veut ».
La présidence se défend de toute périphrase. Il assure que le texte sur la fin de vie n’est une loi sur ni l’euthanasie, ni sur le suicide assisté. « Les mots ont de l’importance et il faut essayer de bien nommer le réel sans créer d’ambiguïtés » a bien précisé dimanche 10 mars Emmanuel Macron lors de l’annonce de son projet de loi sur l' »aide à mourir ».
À peine son entretien à Libération et La Croix publié, les critiques fusent pourtant sur les termes employés. Un projet qui « manque de clarté » dénoncent certaines associations. Des « promesses vagues » s’insurge l’Église catholique. Un texte « qui ne permettra pas de répondre le plus parfaitement aux demandes légitimes des personnes en fin de vie », juge l’Association pour le droit de mourir dans la dignité.
En voulant garder un champ lexical le plus neutre possible, l’annonce du chef de l’État se heurte désormais à l’incompréhension.
« Une réponse de fraternité, de solidarité et d’autonomie »
« Le projet de loi sur la fin de vie va-t-il ouvrir l’accès à l’aide active à mourir et sous quelle forme: euthanasie ou suicide assisté? », a ainsi été interrogé Emmanuel Macron dans cet entretien donné aux deux quotidiens nationaux. Le président se refuse cependant à faire un choix. Car le « consentement » du patient est indispensable et « la décision médicale a son rôle à jouer », « avec des critères précis ».
« Le terme d’euthanasie désigne le fait de mettre fin aux jours de quelqu’un, avec ou même sans son consentement, ce qui n’est évidemment pas le cas ici », a-t-il déclaré. « Ce n’est pas non plus un suicide assisté qui correspond au choix libre et inconditionnel d’une personne de disposer de sa vie », a-t-il ajouté.
L' »autre chemin possible » pour Emmanuel Macron, c’est celui d' »une aide à mourir sous certaines conditions strictes ». Il faudra ainsi être majeur, capable d’un discernement « plein et entier » et souffrir d’une « maladie incurable et un pronostic vital engagé à court ou moyen terme » en subissant de souffrances ne pouvant être soulagées.
Ce texte n’est « ni un droit ni une liberté « , précise-t-il, mais « une solidarité » que permet la société.
Avec cette « aide à mourir » le chef de l’État fait le choix « d’une réponse de fraternité, de solidarité et d’autonomie à la volonté délibérée d’une personne qui souffre », explique à BFMTV.com la députée Horizons, Agnès Firmin-Le Bodo.
L’élue qui est également porte-parole du groupe fondé par Édouard Philippe a planché sur ce texte sensible depuis le 3 avril 2023. Successivement ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé et ministre de la Santé et de la Prévention jusqu’au remaniement de janvier 2024, elle est à l’origine de l’avant-projet de loi qui a été présenté à Emmanuel Macron à la fin de l’été dernier.
« Il faut appeler un chat, un chat »
Mais cet équilibre entre les mots semble peu accepté par les professionnels de santé. Cette formule d' »aide à mourir » est « euphémisante », regrette ce lundi auprès de BFMTV Régis Aubry, chef du pôle Autonomie Handicap au CHRU de Besançon et membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). « On est clairement proches de l’assistance au suicide », estime-t-il.
« Je trouve ça personnellement un peu dangereux. Je crois qu’il faut appeler un chat un chat », a-t-il ajouté sur France info.
Pour le chef du service de soins palliatifs du CHU de Rennes, Vincent Morel, « cette aide à mourir se situe entre euthanasie et assistance au suicide ». « On ne dit pas les deux mots. On gagnerait à clarifier », réagit-il auprès de BFMTV.
« Aide à mourir, c’est un terme générique qui mérite des précisions », considère également Olivier Merlet médecin généraliste spécialisé en soins palliatifs et ancien président de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP).
Derrière la SFAP, une quinzaine d’organisations de soignants reprochent « une confusion lexicale regrettable » et avertissent sur un projet de loi qui promeut « un modèle ultra-permissif ».
Le dispositif décrit emprunte selon eux « toutes les dérives constatées à travers le monde ». Par exemple « aucun pays n’envisage l’administration de la substance létale par un proche », s’agacent-ils.
« Utiliser les mots qu’on souhaite »
Le débat autour de la définition aura lieu « dans l’hémicycle », conclut-elle. Et ce, « dès le 27 mai », selon les annonces de Gabriel Attal.
L’important pour la majorité et le chef de l’État c’est « l’effectivité de la loi », « pas le débat sur les mots. Puisqu’on écrit notre modèle français, on peut utiliser les mots que l’on souhaite », tranche Agnès Firmin-Le Bodo pour BFMTV.com.
Pour l’exécutif, remettre l’aspect sémantique aux mains des parlementaires a l’avantage de ne pas mentionner son projet sur la fin de vie sous les prismes clivants du suicide assisté et de l’euthanasie.
Des termes « trop dévoyés »
« Emmanuel Macron considère que ce sont des mots mal compris par l’opinion publique, des mots connotés et instrumentalisés », explique le député du MoDem, Olivier Falorni à BFMTV.com.
Président du groupe de travail sur la fin de vie à l’Assemblée et auteur d’une proposition de loi sur le sujet en 2021, il raconte avoir souvent entendu qu’être pour le suicide assisté, c’était « encourager le suicide ». Quant au mot « euthanasie », « il est dévoyé de son sens de départ qui veut juste dire « bonne mort » ou « mort douce » », considère Agnès Firmin-Le Bono.
« Euthanasie » sonne également très mal aux oreilles de l’élu du MoDem. « On m’a déjà dit ‘Falorni, état nazi’… Il y a des mots qui sont trop dévoyés et à qui on a donné un sens trop sale pour continuer à les utiliser », confie-t-il à BFMTV.com.
« Dire ‘aide à mourir’, c’est beaucoup plus clair. Ce n’est pas cacher la réalité, mais au contraire, utiliser les mots qui semblent les plus adaptés pour décrire la réalité que l’on souhaite », considère-t-il.
En refusant de mentionner ces termes et en apposant la mention plus positive de « solidarité » sur son projet de loi, Emmanuel Macron minimise ainsi les risques de froisser l’opinion publique, très sensible sur le sujet.
Selon un sondage Ifop de juin 2023, 18 % des Français interrogés veulent en effet un texte qui légalise « en priorité » l’euthanasie, c’est-à-dire l’administration par les médecins de la substance létale. 23 % sont favorables au suicide assisté, soit à la prise de la substance létale par le patient lui-même, en présence d’un médecin. Et 11 % sont catégoriquement opposés à toute loi sur le sujet.
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