En Argentine, Javier Milei dévalue le peso de moitié

Depuis ce mercredi, les Argentins savent enfin à quoi s’en tenir. Dans un pays où le moindre mouvement du taux de change a une répercussion immédiate sur les prix – et alors que le nouveau président avait dépeint une situation catastrophique impliquant de frapper vite et fort lors de son discours d’investiture dimanche – les deux jours d’attente de l’annonce des premières mesures économiques ont semblé une éternité.

Depuis l’élection de Javier Milei, défenseur de la politique « de la tronçonneuse », le 19 novembre dernier, les Argentins couraient de supermarché en supermarché, se ruant sur les promotions, tandis que certains commerces mettaient en place des mesures pour freiner leurs ventes. Les prix de certains biens ont bondi, anticipant les mauvaises nouvelles, et bon nombre de citoyens se sont empressés de faire des stocks. Du moins, ceux qui en avaient les moyens.

Inquiétude sur l’épargne

Face à une Banco Central de la República Argentina (BCRA) – la banque centrale argentine – suspendue à la confirmation de la nomination de ses autorités de tutelle, et à des transactions internationales quasiment à l’arrêt, les banques avaient déjà commencé à dévaluer le peso argentin. Du côté des épargnants, on s’interrogeait sur l’opportunité de conserver des placements bancaires qui allaient peut-être perdre en valeur, voire être gelés. Une menace sérieuse dans un pays rompu aux crises et où plane le spectre de l’effondrement de 2001.

Le nouveau ministre de l’Economie, Luis Caputo, ancien ministre des Finances du gouvernement de droite de Mauricio Macri entre 2015 et 2019, a mis fin au suspense. Dans un message vidéo, il a annoncé mardi soir, entre plusieurs mesures visant à tailler dans le budget, une dévaluation brutale de 50 % de la monnaie nationale.

Mercredi, la banque centrale, de nouveau opérationnelle après deux jours de flottement, a annoncé le maintien du taux directeur à son niveau de 133 %. Mais les banques, qui faute de fournir des financements dans une économie en berne placent leurs dépôts auprès de la BCRA, verront leur rémunération à un jour réduite à 100 %. Le taux des dépôts à 28 jours sera pour sa part maintenu à 133 %.

Refus de la création monétaire artificielle

Alors que l’inflation annuelle devrait dépasser ce chiffre, toute la question est de savoir si les banques accepteront d’offrir une rémunération supplémentaire à leurs clients ou si elles laisseront ces derniers absorber le choc via une érosion de leur rendement réel. Au risque de voir ces derniers retirer leurs dépôts.

« C’est en fait une incitation à ce que les banques prennent des positions plus longues. Je pense que la création d’une obligation à plus long terme, rémunérée à un taux plus élevé que les projections d’inflation, va être proposée. Elle viendrait finalement financer le Trésor sans création monétaire artificielle », explique l’économiste Hernan Letcher, directeur du Centre d’économie politique argentine (Cepa). Et elle pourrait éventuellement être souscrite par les épargnants.

Dans leur ensemble, les mesures d’austérité annoncées, comme la réduction des subventions aux transports et à l’énergie, ou l’arrêt des chantiers publics d’infrastructure, visent à éliminer le déficit budgétaire. Le ministre y voit en effet la « genèse » des problèmes économiques du pays. L’objectif est de combattre une inflation galopante, qui pourrait dépasser les 12 % en novembre et s’accélérer dans les prochains mois, en conséquence de la dévaluation décidée mardi.

Javier Milei l’a déjà annoncé, les réformes ne seront pas sans conséquences pour la population. « La situation va empirer à court terme », a-t-il annoncé sans détour. Pour Hernan Letcher, « c’est une vision monétariste et peu créative ». « Je pense qu’à moyen terme, ce type de mesures, déjà essayées en Argentine sans succès, n’a aucune chance de fonctionner et n’aura comme conséquence qu’une récession et une perte de revenus pour la population », conclut l’économiste.