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Publié le 11 déc. 2023 à 15:29
C’est un immense hangar gris, un peu à l’écart des pavillons des 195 pays présents cette année à la COP28 de Dubaï . Il ne paie pas de mine, et pourtant ce « Trade House Pavillon », qui abrite l’organisation mondiale du commerce (OMC) et la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) représente une petite révolution : c’est la première fois que le commerce international est officiellement représenté dans la grand-messe onusienne du climat.
« Il y avait jusqu’à présent une grande étanchéité entre les différentes sphères. Or on observe une évolution depuis cette COP », souligne Sébastien Treyer, le directeur général de l’Iddri. C’est que les mesures commerciales prises par l’Union européenne ou les Etats-Unis, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, commencent à provoquer la grogne de certains pays du Sud. Dans leur collimateur, l’ IRA américain et la taxe carbone aux frontières (plus précisément, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, ou MACF).
Le MACF considéré comme injuste
Mis en place par l’Union européenne depuis octobre dernier, ce MACF est particulièrement visé. Il entend éviter que les industriels européens faisant de réels efforts pour se décarboner soient concurrencés par des produits importés non soumis aux mêmes contraintes (donc moins chers). Mais les pays du Sud l’estiment injuste et réclament des mesures de soutien. « On ne peut pas accepter que les engagements d’un pays soient imposés à d’autres », explique ainsi à Dubaï Sandra Guzman, du Groupe Finance Climat pour l’Amérique Latine et les Caraïbes.
« Le MACF est une mesure unilatérale, qui aura des impacts dans de nombreux pays en développement, pas seulement le Brésil ou la Chine. Nous sommes d’accord pour nous décarboner, mais nous avons besoin de soutien pour cela », poursuit-elle. Une étude publiée en mai dernier par la Fondation africaine pour le climat estimait que le MACF amputerait les recettes des exportations africaines vers l’Europe de 31 milliards d’euros par an, soit 1,1 % du PIB africain.
Même si elle n’est en réalité que peu affectée directement, la Chine s’est posée comme chef de file des pays du Sud sur le sujet. « Elle a introduit, dans le projet de texte de la COP28, de nombreuses mentions de la notion de « mesures commerciales dommageables » », indique Sébastien Treyer. D’autres pays, comme le Brésil, s’inquiètent des textes impliquant la déforestation .
Certains observateurs, à Dubaï, craignent que ces barrières tarifaires climatiques soient utilisées comme levier dans les négociations sur d’autres points durs de la COP28. « C’est une manière de porter l’attention sur le sujet », pointe Sébastien Treyer. « Les Européens ne feront toutefois aucune concession », estime de son côté Pascal Lamy, l’ancien directeur de l’OMC aujourd’hui président du « think tank » Europe Jacques Delors, croisé dans les allées de la COP28.
Passerelles entre les deux sujets
Une idée commence à émerger, celle de partenariats conclus avec certains pays pour les aider à décarboner leur industrie en fonction de leurs contraintes propres, un peu sur le modèle de ce qui est fait sur l’énergie (les Just Energy Transition Partnerships, ou JETP ).
« Par exemple, l’économie du Mozambique est fortement dépendante de l’aluminium », suggère Geneviève Pons, directrice générale d’Europe Jacques Delors. « Aujourd’hui ses usines utilisent de l’électricité produite par des centrales à charbon, mais c’est un pays qui dispose aussi de fortes ressources hydroélectriques : il s’agirait de l’aider à utiliser cette électricité zéro carbone pour ses usines d’aluminium. On pourrait utiliser pour cela les recettes tirées du MACF par exemple », poursuit-elle.
Certains plaident aussi pour une approche multilatérale plus institutionnelle permettant de lier climat et commerce international. La question ne se débloquera pas cette semaine dans le « Trade Pavillon » de la COP28, mais elle devient de plus en plus lancinante – comme en témoigne l’échec (à ce stade) d’un accord entre l’Union européenne et le Mercosur , lié à l’ exigence de garanties environnementales, poussées notamment par la France au sein de l’UE.
« Il y a un nombre croissant de pays soucieux de donner un prix au carbone », indique Geneviève Pons, qui a recensé 70 mesures en ce sens dans 46 pays. « Les suites de cette COP seront intéressantes. Il y a vraiment besoin de passerelles entre les deux sujets », conclut Sébastien Treyer.
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