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Publié le 13 déc. 2023 à 14:28Mis à jour le 13 déc. 2023 à 16:24
Une première sur la question de la sortie des énergies fossiles à Dubaï. Mais les marchés carbone, eux, attendront. Le sujet a pourtant occupé les esprits de toute une partie de la négociation à la COP28. Il s’agit des discussions autour de la réglementation des marchés carbone et notamment de la mise en oeuvre de l’article 6 de l’accord de Paris.
Ces marchés sont essentiels à plusieurs titres : pour les pays bénéficiaires des crédits qui en tirent des fonds nécessaires pour financer leur transition énergétique et leur développement économique ; et pour les pays émetteurs de crédits qui peuvent ainsi compenser leurs émissions de CO2 dans le cas où elles dépasseraient les objectifs que ces mêmes pays se sont fixés dans le cadre de l’accord de Paris. Un crédit carbone est une garantie qui représente une tonne de CO2 réduite ou éliminée de l’atmosphère, générée par des projets de reforestation, de restauration de mangrove ou d’implantation d’éoliennes par exemple.
Le pire comme le meilleur
Sur le papier, le système est très vertueux et très ouvert puisque les entreprises peuvent aussi y accéder via un marché volontaire qui leur permet de « déplacer » leurs émissions. Mais il a donné lieu à des dérives importantes, notamment dans les projets de reforestation : des crédits comptabilisés deux fois, des expropriations de petits exploitants agricoles, ou tout simplement des projets dont le bénéfice sur le climat s’est révélé nul, voire contreproductif. « Sur les marchés carbone, il y a le pire comme le meilleur », témoigne Christian de Perthuis, économiste et spécialiste des marchés carbone.
C’est que ce marché, qui tient son origine du protocole de Kyoto adopté en 1997, est loin d’être homogène et encore très peu réglementé. Les certificateurs privés sont multiples et travaillent avec des méthodologies différentes. L’objectif de l’accord de Paris est de rendre ce système plus juste et aussi plus transparent dans la fixation des prix des crédits carbone et dans le type de projets qui peuvent y être éligibles.
Faut-il réserver les crédits carbone aux émissions de CO2 dites résiduelles, c’est-à-dire les émissions considérées comme inévitables ou trop difficiles à éliminer ? Doit-on considérer que le renoncement à un projet de déforestation peut donner lieu à un crédit ? Le fait d’éviter de détruire des puits de carbone peut-il être considéré comme un actif à échanger sur le marché carbone ? « Le fait de comptabiliser des émissions évitées, c’est la porte ouverte aux dérives car on ne peut pas les définir avec précision. Et ce serait une aberration de donner des crédits à une entreprise pétrolière qui renoncerait à ouvrir un nouveau site d’exploration par exemple », estime Judith Lachnitt, de l’ONG Caritas.
Des prix historiquement bas
Cette question centrale de l’évitement (« avoidance » en anglais), de même que la procédure de réclamation destinée à protéger les droits des populations locales, n’ont pas été tranchées à la COP28. Les acteurs privés du marché carbone craignent que la régulation vienne gripper le système. Un système qui est déjà en souffrance puisque les prix du carbone sont à un niveau historiquement bas. « Le marché est catastrophique car les standards ne sont pas communs », souligne Djedjiga Kachenoura, coordinatrice du projet de recherche sur la finance et le climat pour l’Agence française de développement (AFD).
C’est tout l’objet de l’article 6.4 de l’accord de Paris, qui n’est donc toujours pas opérationnel pour le moment. « Nous avons raté une occasion d’accélérer la mise en oeuvre d’un mécanisme de crédit qui aurait placé la barre haut en matière d’intégrité environnementale, de garanties et de droits de l’homme. Le retard du mécanisme de l’article 6.4 n’est pas une victoire pour l’intégrité environnementale, c’est une victoire pour le programme antimarché », a déclaré Andrea Bonzanni, directeur de la politique internationale à l’IETA (International Emissions Trading Association).
Un système juste et efficace
Les modalités de cet article doivent permettre la mise en place d’un système centralisé de supervision des crédits par les Nations unies, une façon de garantir la fiabilité de ces crédits, aussi bien côté acheteurs que vendeurs. « Ce sont en priorité les pays les moins avancés qui ont besoin de ce type de financement et de cette structuration du marché. Car en l’état actuel, ils ne sont pas outillés pour pouvoir y accéder de manière équitable. Confier aux Nations unies la gestion du mécanisme est une forme d’assurance pour eux que le système est juste et que cela fonctionne bien pour tout le monde », explique Matthieu Wemaëre, avocat aux barreaux de Paris et Bruxelles et chercheur associé à l’Iddri.
Malgré l’insistance des Emirats arabes unis, qui sont un acteur majeur des marchés carbone, notamment via le fonds souverain d’Abu Dhadi et l’UAE Carbon Alliance, les différentes parties n’ont pas réussi à trouver un consensus à Dubaï. Il faudra attendre la prochaine COP pour que le premier projet supervisé par les Nations unies voie vraiment le jour.
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