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Publié le 4 déc. 2023 à 11:18Mis à jour le 4 déc. 2023 à 19:51
Il a beau avoir la voix grave et un peu fatiguée d’un homme âgé, Lula reste Lula. C’est donc avec une tape dans le dos et une autre sur le torse, que le président brésilien a remercié un Olaf Scholz, souriant mais un peu surpris, à la fin de la conférence de presse.
Ce lundi à Berlin, le président brésilien a rencontré le chancelier allemand avec la volonté de tenter de sauver l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur.
« Les Brésiliens n’abandonnent pas »
« Je suis Brésilien et les Brésiliens n’abandonnent pas », a martelé le président Luiz Inacio Lula da Silva. « Si je n’étais pas convaincu qu’il était possible de signer un accord à Rio de Janeiro, alors je n’irai pas à cette réunion. »
De son côté, Olaf Scholz a appelé toutes les parties à faire des « compromis » et à agir avec « pragmatisme » afin de finaliser un accord. Le texte, qui semblait presque mûr pour signature lors du sommet Mercosur du 7 décembre, a connu un nouveau raté le week-end dernier.
Le président argentin sortant, Alberto Fernandez, a fait savoir qu’il ne pourrait engager son pays, signalant que l’accord lui semblait trop favorable aux exportations industrielles européennes et trop défavorable aux exportations agricoles du bloc sud-américain, qui regroupe Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay.
« Chacun a son voisin. Vous avez l’Argentine, nous avons la France »
Buenos Aires souhaite notamment des protections pour son secteur automobile et a confié le dossier au futur président, Javier Milei, qui doit être investi le 10 décembre. « Chacun a son voisin. Vous avez l’Argentine, nous avons la France », a lancé le ministre allemand de l’Economie, Robert Habeck, aux Brésiliens.
Car l’Argentine n’est pas le seul problème : la France, notamment, estime que le texte négocié par la Commission ne va pas assez loin sur les garanties environnementales et notamment la lutte contre la déforestation de l’Amazonie. Bruxelles avait déjà abouti sur un accord, en 2019, qui n’a jamais été ratifié à cause de ses insuffisances écologiques.
Un texte « mal rapiécé »
Après s’être entretenu avec le président brésilien, samedi à Dubaï en marge de la COP28, Emmanuel Macron a jugé l’accord en son état actuel « complètement contradictoire » avec ce que le président Lula « est en train de faire au Brésil », faisant valoir qu’il « ne prend pas en compte la biodiversité et le climat ». Il se résume, selon Paris, à un texte « mal rapiécé », « de démantèlement de tarifs à l’ancienne ».
« Parle à ta femme »
« Chirac, Sarkozy, Hollande, Macron… Aucun président français n’a été prêt à signer un accord parce qu’ils ont un problème politique et financier avec les agriculteurs français », a expliqué Lula.
Mais le dirigeant brésilien ne s’est pas démonté. Il a dit à Emmanuel Macron : « Quand tu seras dans l’avion, ouvre ton coeur, parle à ta femme, et alors tu signeras l’accord avec le Mercosur », faisant sourire Olaf Scholz.
L’Allemagne à l’offensive
L’accord récemment signé entre l’UE et la Nouvelle-Zélande prévoit, lui, de réelles sauvegardes sur l’environnement et les conditions de travail, assorties de sanctions en cas de manquement. Mais ces clauses étaient pour l’UE plus faciles à obtenir d’un pays de 5 millions d’habitants, que d’un bloc de 285 millions d’habitants .
L’Allemagne, à l’inverse de la France, fait partie des Etats membres de l’UE les plus allants. Car le pays, dont le succès économique des vingt dernières années est fondé sur des exportations massives, est engagé dans une stratégie de diversification de ses marchés.
« L’industrie allemande a besoin du Brésil »
La Chine est devenue politiquement agressive et certaines de ses entreprises sont désormais des concurrentes des champions allemands. Après l’invasion de l’Ukraine, l’UE cherche par ailleurs à réduire ses dépendances pour son approvisionnement en matières critiques et l’Amérique latine (Mercosur, Chili, Mexique) offre des alternatives intéressantes.
Nerveuses, les entreprises allemandes appellent les dirigeants européens à faire preuve de flexibilité afin de trouver un accord. « L’industrie allemande a besoin du Brésil comme partenaire géostratégique afin d’acquérir une plus grande indépendance économique », a martelé lundi le président de la fédération du patronat allemand, Siegfried Russwurm.
Même discours du côté de la puissante fédération de la chimie. « Nous tournons en rond dans la salle d’attente et nous ne voyons rien venir. L’UE risque d’être à la traîne en Amérique latine. Les fournisseurs asiatiques y gagnent chaque année en importance. »
« Si l’UE n’arrive pas à signer le deal Mercosur, alors cela signifie que toute notre stratégie de « derisking » par rapport à la Chine est pure rhétorique », s’agaçait la semaine dernière un des négociateurs allemands. La crédibilité de la politique commerciale de l’UE , qui souligne volontiers le levier que lui donne son marché intérieur de 450 millions de consommateurs mais vient d’échouer à former un nouvel accord avec l’Australie, est aussi en jeu.
Nouveau gouvernement argentin
La direction du Commerce de la Commission européenne voulait saisir la « fenêtre d’opportunité » du sommet de Rio, avant la fin de la présidence brésilienne du bloc sud-américain et avant l’investiture de Javier Milei, nouveau dirigeant hors norme , d’inspiration libertarienne, qui se présente lui-même comme « anarcho-capitaliste ».
La future ministre des Affaires étrangères argentine, Diana Mondino, a néanmoins assuré la semaine dernière que le futur gouvernement soutiendra l’accord avec l’UE. Mais du côté européen, la présidence espagnole, très active sur le dossier (Madrid ayant de nombreux gains à attendre), se termine à la fin du mois.
Les élections européennes de juin 2024
La présidence belge qui suit se montrera vraisemblablement moins enthousiaste, la région wallonne ayant dans le passé démontré de nombreuses réticences aux accords de libre-échange. Plus les élections européennes de juin 2024 approchent, plus il sera difficile à certaines capitales de signer.
Dans plusieurs Etats membres, et en premier lieu en France, la question commerciale est hautement inflammable. Les élections de 2023, aux Pays-Bas , montrent en outre qu’une frange de l’électorat urbain est sensible aux difficultés du monde agricole.
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