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« Dans ces proportions, c’est inédit », constate, désemparée, Geneviève Genève. Depuis le début de l’été, la présidente du Collectif interassociations de Toulouse observe la multiplication des expulsions sans relogement de personnes jusque-là hébergées dans des hôtels. « Fin juillet, 399 personnes, dont 149 enfants, avaient reçu un courrier annonçant la fin de leur prise en charge. Mi-août, ils étaient 576 », énumère-t-elle. Faute de proposition d’hébergement alternatif, la plupart viennent rejoindre la cohorte des personnes à la rue.
Cette situation n’est pas propre à la région toulousaine. « À Nice, 500 places ont été supprimées, soit près des deux tiers du parc d’hébergement. À Marseille, le ministère a demandé la fermeture de 1 000 places et le 115 ne répond plus. Les seules personnes qui arrivent encore à être hébergées sont celles qui ont déposé un recours devant le tribunal administratif », relate Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé-Pierre (FAP).
En Île-de-France, une baisse de 6 à10 % des budgets d’ici à décembre a été exigée. « On a aussi demandé aux associations d’arrêter toutes les discussions entamées avec des municipalités ou des propriétaires pour trouver des points de chute aux personnes sortant d’hôtel, indique Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). O n ferme des places, alors qu’il y a encore des gens à la rue. »
Personne n’est épargné
Conséquence de cette politique, le 115, chroniquement saturé, explose sous les demandes. « Quotidiennement, ce sont plus de 240 demandes d’hébergement non pourvues par le 115. De nouveaux squats naissent faute de solution d’hébergement », ont alerté, le 23 août, les associations toulousaines. « Et encore, ça n’est que ceux qui ont réussi à joindre le 115. Depuis que le logiciel a été changé, on ne sait plus combien de gens ont tenté d’appeler sans y parvenir », précise Geneviève Genève. À l’échelle nationale, la FAS a décompté, fin juillet, 6 000 demandes non pourvues, dont 1 990 enfants.
« Il est inacceptable que la sortie du “quoi qu’il en coûte” pèse sur les sans-abri » Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)
Autre signe inquiétant, personne ne semble épargné. « Jusqu’à présent, les critères de vulnérabilité étaient pris en compte. Ce n’est plus le cas », constate Geneviève Genève. Enfants, personnes âgées, malades, femmes enceintes ou victimes de violences conjugales peuvent désormais être laissés dehors. À la veille de la rentrée, la situation des enfants inquiète tout particulièrement.
Malgré les promesses de l’ancien ministre du Logement et le lancement d’un plan « Zéro enfant à la rue », ils sont 20 % de plus qu’à la rentrée 2022. Des « données non exhaustives, révélatrices de la situation du sans-abrisme en France et de l’évolution des politiques publiques », déplore Béatrice Lefrançois, présidente d’Unicef France.
Une chasse au « logement de survie »
Derrière ces coupes, une volonté de réduction budgétaire. « L’hébergement, c’était 1,2 milliard d’euros en 2012 et 4 milliards l’année dernière. Pour le gouvernement, c’est trop, il faut réduire cette dépense », estime Jean-Baptiste Eyraud, de Droit au logement.
La FAP estime que 6 000 places sont ainsi menacées. « Le gouvernement avait déjà annoncé, avant l’été, son intention de réduire le nombre de places d’hébergement à 195 000 alors qu’il n’y a jamais eu autant d’enfants à la rue. Il est inacceptable que la sortie du “quoi qu’il en coûte” pèse sur les sans-abri », s’indigne Pascal Brice.
L’augmentation des personnes à la rue est aussi due aux expulsions de lieux de vie informels, squats ou bidonvilles, qui se multiplient à un rythme sans précédent. « Parallèlement aux fermetures de places, on a un processus qui consiste à pourchasser le logement de survie », analyse Jean-Baptiste Eyraud.
Chassés, les sans-abri doivent trouver de nouveaux refuges toujours plus dégradés et précaires. S’y ajoute un nombre croissant d’expulsions de locataires en difficulté, là encore, sans prise en compte du moindre critère de vulnérabilité. « À Bagnolet, par exemple, une mère seule avec trois enfants ou un ménage avec un enfant de 14 ans handicapé ont été mis à la rue », relève Manuel Domergue.
Hors de la capitale, coupes budgétaires et expulsions se doublent d’un autre phénomène. L’ouverture de « sas régionaux de desserrement », par le gouvernement sur tout le territoire pour recevoir les sans-abri d’Île-de-France, notamment étrangers. « À Toulouse, on doit en être à la 4e ou 5e cohorte de 30 à 70 personnes », confirme Geneviève Genève.
En principe, ces sas sont destinés à faciliter l’accès aux droits, une orientation adaptée, et ne doivent accueillir que des volontaires. Mais, à Toulouse, comme dans d’autres villes, l’opacité règne. « Ni nous ni le maire n’arrivons à avoir de la visibilité. Nous n’avons aucune information sur ce que les gens deviennent », explique la militante. Faute d’une régularisation, ils vont continuer, même en travaillant, de contribuer à l’engorgement des dispositifs d’hébergement d’urgence ou à vivre à la rue.
« Le gouvernement a annoncé 3 600 places pour loger ce public en région, mais, avec les fermetures, c’est insuffisant. C’est une politique de dispersion, pas d’accueil », estime Pascal Brice. Pour lui, ces économies sur l’hébergement des personnes sans abri – hébergement qui devrait pourtant être inconditionnel – sont une « faute politique “car” au regard de l’état de la société, le spectacle des gens à la rue conduit à une radicalisation de l’opinion ».
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