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Les réfugiés soudanais en Egypte sont à la merci de certains propriétaires peu scrupuleux, qui appliquent des hausses de loyer parfois vertigineuses.
Un jour, la propriétaire de l’appartement qu’il louait depuis peu au Caire a appelé Mohannad: soit il payait trois fois plus soit il partait sur-le-champ. Ce Soudanais ayant fui la guerre a préféré partir mais d’autres de ses compatriotes ont été forcés à céder. Avec sa femme et leurs trois enfants, ils sont arrivés au Caire –à plus de 2.000 km au nord de leur ville de Khartoum– deux semaines après le début de la guerre le 15 avril. Et donc avant la plupart des autres réfugiés soudanais, aujourd’hui plus de 250.000 en Egypte.
« On a aussitôt trouvé cet appartement meublé. On s’est mis d’accord pour 6.000 livres égyptiennes de loyer », soit 175 euros et l’équivalent du revenu moyen d’un foyer égyptien, « et un bail de six mois », raconte à l’AFP ce Soudanais de 35 ans qui n’a pas donné son nom. Puis, avec les jours et les semaines qui passaient, les raids aériens de plus en plus intenses de l’armée de l’air, les razzias, les pillages et les viols commis par les paramilitaires, le flux des réfugiés a grossi. Et de nombreux propriétaires du pays ont flairé le bon filon.
« Ma propriétaire m’a appelé pour me dire que le loyer était passé à 18.000 livres », raconte Mohannad, qui, au même moment, apprenait par des voisins que sa maison à Khartoum avait été pillée. Et quand il a protesté, elle a répondu: « J’ai trouvé d’autres Soudanais qui sont prêts à payer 25.000 livres ».
Il a fini par partir, parce qu’il refusait cette augmentation et que « la propriétaire coupait l’eau et internet régulièrement ou envoyait ses enfants nous jeter des objets dessus depuis les étages supérieurs ».
Le marché s’est transformé en quelques semaines
Et son cas est loin d’être isolé en Egypte où de nombreuses familles prises à la gorge par la pire crise économique de l’histoire du pays voient dans l’arrivée des Soudanais à la recherche d’un toit une manne inespérée. C’est particulièrement le cas dans le faubourg du 6 Octobre, dans l’ouest du Caire, où se trouve le siège du Haut Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR).
Mohammed, un agent immobilier qui n’a pas donné son nom, a vu le marché se transformer radicalement en quelques semaines. Avant, dit-il à l’AFP, « les ventes et les locations tournaient au ralenti », mais depuis l’arrivée des Soudanais, il n’y a « plus aucun bien à louer ». Et tous sont partis au-dessus du prix du marché: « On louait habituellement un meublé à 7.000 ou 8.000 livres, mais rien n’a été loué à moins de 10.000 et plus encore quand on se rapproche du siège du HCR », affirme-t-il.
Dans le quartier historiquement cossu d’Héliopolis, dans l’est du Caire, les loyers des logements anciens « sont passés de 7.000 à 12.000 livres et de 10.000 à 15 ou 18.000 pour les nouvelles constructions », rapporte un autre agent immobilier sous le couvert de l’anonymat. Mais pour Mahmoud al-Lithi Nassef, analyste immobilier, l’arrivée des Soudanais n’a qu’un rôle marginal dans la flambée des prix. Avant eux, des réfugiés « irakiens, yéménites et syriens » sont arrivés –ils sont aujourd’hui plusieurs millions en Egypte– et la flambée des prix dans leurs quartiers de prédilection « est retombée ».
Une « construction frénétique »
En juin, l’inflation a atteint son plus haut historique à près de 37%. La dévaluation de près de 50% ces derniers mois a aussi sérieusement entamé le pouvoir d’achat des 105 millions d’Egyptiens dans un pays où la plupart des biens et des matières premières sont importés. Et surtout, le régime s’est lancé selon les experts depuis une décennie dans une « construction frénétique » pour asseoir sa « légitimité » et redessiner Le Caire et la nouvelle capitale de la « nouvelle république » du président Abdel Fattah al-Sissi.
« De nombreux foyers ont déménagé vers ces nouvelles villes et cherchent désormais à se créer une rente en louant leur ancien appartement dans le centre du Caire pour alléger les effets de la crise économique », affirme M. Lithi Nassef à l’AFP.
Face à la surenchère, certains réfugiés ne peuvent pas suivre. « J’ai rencontré une Soudanaise qui s’était installée sur un trottoir du Caire avec ses enfants et leurs valises », raconte Mohannad. « Elle venait de quitter l’appartement qu’elle louait parce qu’elle ne pouvait pas payer l’augmentation que son propriétaire réclamait ».
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