[ad_1]
Publié le 14 sept. 2023 à 7:12
D’abord il y a eu les messages officiels. De passage à Berlin à l’occasion d’une réunion du cabinet ministériel allemand, le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, a insisté sur la bonne entente du couple franco-allemand et la nécessité d’une stratégie industrielle plus offensive de l’Europe. Une idée qui a gagné du terrain à Berlin, à mesure que le modèle économique du pays s’enfonce dans la crise .
Dans une conférence de presse avec le ministre de l’Economie Robert Habeck et le ministre des Finances Christian Lindner, Bruno Le Maire a également pointé le poids de la bureaucratie en Europe et souhaité l’avènement d’une union des marchés des capitaux. Un thème qui avait déjà fait l’objet d’un appel commun en novembre 2022. « Nous avons défini ensemble une feuille de route pour faciliter l’accès des entreprises au marché des capitaux », a souligné Christian Lindner.
Un exercice de pédagogie
Et puis il y a eu l’exercice de pédagogie. La venue de Bruno Le Maire à Berlin intervient alors que le débat fait rage, en Allemagne, sur les prix de l’électricité. Une entreprise qui achète aujourd’hui de l’électricité pour livraison en 2030 paye environ le double du niveau d’avant-crise, selon la Chambre de Commerce et d’Industrie allemande.
Au printemps, Robert Habeck et ses équipes ont donc proposé la mise en place d’un prix plafonné de l’électricité pour les électro-intensifs pour une durée temporaire. « Cette approche ressemble beaucoup à la politique économique interventionniste de l’Etat français, favorisant plutôt les grosses entreprises », note Jacob Ross, chercheur à l’Institut allemand de politique étrangère.
L’idée était soutenue par les Verts et nombre de députés socio-démocrates du Parlement allemand, mais elle a été rejetée par le chancelier Olaf Scholz, les PME et PMI allemandes et le parti libéral (de Christian Lindner) proche du Mittelstand.
A leurs yeux, subventionner des secteurs électro-intensifs de base comme la chimie ou la métallurgie s’avère dangereux sur le plan économique, parce que cela influe sur toute la chaîne aval et impacte la réalité des prix d’un très grand nombre de produits. Une stratégie dont l’impact social est difficilement maîtrisable, quand on arrête la subvention.
Un écart croissant avec la France
Dans ce contexte tendu, l’écart avec les prix de l’électricité français s’est amplifié, suscitant des critiques outre-Rhin sur la compétition « déloyale » du voisin hexagonal. Selon la Chambre de commerce et d’industrie allemande, avant la crise énergétique, une PME allemande payait l’électricité en moyenne deux fois plus cher que son concurrent français. Aujourd’hui, ce serait quatre fois plus.
Contestable ou pas (selon Eurostat, les entreprises allemandes ont payé un prix moyen de 26 cents du kWh , taxes et redevances incluses, au deuxième semestre 2022, tout secteur confondu, contre 15 cents en France), l’affirmation témoigne en tout cas de l’émoi outre-Rhin.
La visite de Bruno Le Maire, qui comprenait des rencontres avec des représentants du patronat allemand, visait donc aussi à dissiper des « incompréhensions » en expliquant que la France ne subventionnait pas son électricité.
« L’Allemagne observe la France avec méfiance »
Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres. « L’Allemagne observe la France avec méfiance. Les deux pays sont solidaires mais derrière les grandes annonces, quand on rentre dans le dur, chacun défend ardemment ses intérêts », explique Armin Steinbach, professeur d’analyse économique à HEC Paris et chercheur au Max Planck Institute. « Surtout, aux yeux d’une partie de l’administration allemande, il y a cette idée que les aides françaises ne seront pas soutenables financièrement dans la durée. »
Alors que l’Allemagne est gagnée par la peur des délocalisations, communiquer s’avère donc indispensable pour Paris. Après avoir affirmé, mardi à Paris, que la France était en train de devenir « le moteur économique de l’Europe », Bruno Le Maire a expliqué mercredi à Berlin qu’il fallait « rester lucide » et qu’il y avait « un long chemin pour réindustrialiser la France ». Le ministre a aussi pris soin de souligner que « notre succès dépend du succès de l’Allemagne. »
Dans la vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, on ne dit pas le contraire. « Depuis janvier, on ressent des baisses de commandes. Quand l’Allemagne tousse, on s’enrhume », résume Sébastien Gaillard, DG d’Arcom Industrie, une PME de la région spécialisée dans le négoce et l’usinage de pièces. L’heure a beau être au découplage géopolitique dans le monde, en Europe c’est toujours l’industrie allemande qui donne le la.
[ad_2]
Source link