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Le blanchiment en cryptos « a pris une place importante mais pas majoritaire », a expliqué Anne-Sophie Coulbois, patronne de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière.
Blanchiment des espèces, flux bancarisés, cryptomonnaies… Les fraudeurs et réseaux criminels bénéficient de tout un arsenal plus ou moins complexe pour réinjecter l’argent des trafics dans l’économie légale. Tour d’horizon des techniques surveillées par les autorités.
« La France n’est pas une terre de blanchiment, nous avons un système (légal) hyper robuste », balaie d’entrée la patronne de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), Anne-Sophie Coulbois.
Le constat est partagé par Christophe Perruaux, patron du Service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), qui évoque « un maillage assez efficace qui limite grandement les activités de blanchiment sur le territoire national ».
« Départ des flux »
Parmi ces dispositions, l’interdiction de faire des achats en liquide pour plus de 1.500 euros et l’obligation des banquiers de les dénoncer à Tracfin, la cellule de renseignement financier du ministère de l’Economie. Ces garde-fous obligent les délinquants à avoir recours à des systèmes de blanchiment à l’étranger.
« La France est un pays de départ des flux. Les constatations les plus fréquentes des manquements à l’obligation déclarative (plus de 10.000 euros en espèces non déclarées, NDLR) sont à destination de l’Afrique du Nord, la Turquie, les Comores, l’Inde, le Sri Lanka », détaille Florian Colas, patron du renseignement douanier (DNRED).
Ces dernières années, Dubaï est devenue une place forte du blanchiment, avec la présence sur place à la fois de trafiquants de différentes nationalités et de blanchisseurs, expliquent les spécialistes. En France, les chiffres sont en constante augmentation: plus de 800 millions d’euros d’avoirs criminels ont été saisis l’an dernier, après 500 millions en 2020. En 2022, la douane a constaté 2.500 manquements à l’obligation déclarative, pour 79 millions d’euros.
Le cash des trafics
Dans le circuit de blanchiment, il y a des « criminels très différents, mais avec des besoins convergents. D’un côté les trafiquants, de stupéfiants notamment, qui veulent se débarrasser de leurs espèces et de l’autre des criminels qui ont besoin de cash pour rémunérer le travail dissimulé », souligne la patronne de l’OCRGDF. Les blanchisseurs fonctionnent avec « le moins de stock possible, comme un banquier classique, pour faire travailler l’argent et diminuer le risque pénal », poursuit-elle.
Concrètement, les blanchisseurs « vont remettre l’argent liquide des trafiquants à des sociétés qui n’ont aucune activité ». Ces dernières vont émettre « une facture pour une prestation (généralement dans l’informatique, le BTP, le conseil) et vont en retour faire des virements » aux blanchisseurs, schématise Christophe Perruaux.
« Ces sociétés qui n’ont aucune existence vont se rémunérer en prenant une commission et réinjecter l’argent au bénéfice de sociétés qui emploient au black », ajoute-t-il. C’est un milieu très concurrentiel, très fluctuant, dominé actuellement par les réseaux chinois. Leur commission: 5 à 15% du montant de l’opération.
Mules et fraudes bancaires
La logique est différente avec l’argent déjà bancarisé. « L’argent doit faire le tour du monde le plus vite possible en circulant de compte en compte pour arriver généralement dans une destination non-coopérante », commente Mme Coulbois.
Pour cela, trafiquants et blanchisseurs entretiennent des réseaux de mules bancaires, qui acceptent d’ouvrir un compte pour des opérations ou de prêter leur nom pour le faire.
Ces mules bardées de cash partent vers la Pologne ou la Hongrie, « des pays moins exigeants », selon Christophe Perruaux. « Ces deux pays collaborent mais les sommes repartent immédiatement vers des places bancaires comme Hong Kong ou Dubaï, et là c’est le trou noir. »
Mais pour les autorités, les fraudes sont les principales menaces identifiées, avec les escroqueries à la TVA – un « sport national » selon M. Perruaux – ou aux aides publiques (chômage partiel, fonds de solidarité, aides Covid).
L’essor des cryptomonnaies
« Le blanchiment en cryptos a pris une place importante mais pas majoritaire », explique Anne-Sophie Coulbois.
Les trafiquants blanchissent leurs revenus en les transformant en cryptoactifs. Certains détenteurs de cryptomonnaies ont recours à des prestataires qui facturent entre 10 et 30% des sommes. Les sommes en crypto « qui rentrent ne sont pas les mêmes qui ressortent. C’est censé interrompre la traçabilité de la blockchain », décrypte le magistrat Perruaux.
Le point compliqué: réinjecter la crypto dans l’économie réelle. La sortie de la crypto est une zone de vulnérabilité où le blanchiment peut être détecté.
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