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Se fournissant désormais en Corée du Nord pour une bonne partie des missiles et des munitions qui nourrissent son agression de l’Ukraine , le pouvoir russe a mis en scène, jeudi devant les Nations unies, son soutien direct au régime de Kim Jong-un.
Le gouvernement de Vladimir Poutine a mis son veto à la prolongation, au-delà du 30 avril, du mandat du groupe d’experts de l’ONU chargé de surveiller la mise en oeuvre des sanctions contre la Corée du Nord. Soumise au vote de 15 nations, cette prolongation a été votée par 13 pays, dont la France et les Etats-Unis, quand la Chine a, elle, choisi de s’abstenir.
Créé en 2009, ce panel d’analystes a pour mission d’évaluer les progrès des programmes nucléaire et balistique de Pyongyang ainsi que les différentes tactiques déployées par le pays pour contourner les sanctions internationales votées à l’ONU, pour, théoriquement, stopper ces développements de bombes atomiques et de puissants missiles .
Mise en lumière des trafics coréens
Le panel rend, deux fois par an, des rapports complets sur les différents trafics organisés par Pyongyang pour récupérer à l’étranger des capitaux, des composants et les technologies nécessaires au développement de ses armes. Ces dernières années, il avait notamment mis en lumière les progrès du pays en matière de cybercriminalité.
Pour justifier son veto, l’ambassadeur russe auprès des Nations unies, Vassily Nebenzia, a expliqué que le groupe avait « globalement reconnu son incapacité à fournir une évaluation objective de l’état du régime de sanctions » et se retrouvait « de plus en plus réduit à se plier au jeu des stratégies occidentales, à réimprimer des informations biaisées et à analyser des titres de journaux et des photos de mauvaise qualité ».
Selon l’ambassadeur sud-coréen à l’ONU, Hwang Joon-kook, la Russie a indiqué qu’elle aurait été prête à prolonger le travail du panel des experts si les Nations unies avaient accepté, en échange, d’orchestrer un retrait de certaines sanctions imposées au régime nord-coréen. Affichant son soutien à la posture russe, la Chine a également soutenu l’idée d’introduire des clauses d’extinction pour certaines parties du régime de sanctions.
« Regrettable »
Les pays qui soutenaient la prolongation de la mission des experts ont jugé « regrettable » le veto russe. « Ce n’est rien d’autre qu’une tentative de faire taire les enquêtes indépendantes et objectives sur les violations persistantes des résolutions du Conseil de sécurité par la Corée du Nord et par la Russie elle-même », s’est offusquée Linda Thomas-Greenfield, l’ambassadrice des Etats-Unis aux Nations unies.
« Ce veto met délibérément fin à leur travail d’information sur les livraisons d’armes de la Corée du Nord à la Russie, en violation des résolutions du Conseil de sécurité », a insisté Nicolas de Rivière, l’ambassadeur de France à l’ONU. « C’est comme si l’on débranchait la caméra de vidéosurveillance pour éviter d’être pris en flagrant délit », s’est emporté Hwang Joon-kook.
Si l’extinction du mandat du groupe d’experts ne met pas fin aux différentes sanctions financières et diplomatiques votées depuis 2009, il va rendre plus compliquée la mesure de leur efficacité et pourrait, selon les experts, encore encourager Pyongyang à développer des réseaux pour les contourner.
Livraisons de carburant russes
Kim Jong-un sait désormais qu’il peut compter sur Vladimir Poutine pour desserrer le carcan qui étouffe sa croissance et handicape ses projets militaires. Le commerce entre les deux nations s’est ainsi intensifié depuis septembre dernier et la rencontre des deux leaders sur une base spatiale de l’Extrême-Orient russe . Devant les caméras, ils s’étaient alors engagés à renforcer leur coopération dans les domaines de l’économie et de la sécurité. Et dans les mois qui ont suivi, les analystes militaires ont identifié, dans les décombres de bâtiments en Ukraine, les restes des premiers missiles nord-coréens livrés à la Russie.
Ces livraisons d’armes nord-coréennes à la Russie avaient d’ailleurs été documentées, en début d’année, dans le dernier rapport du groupe d’experts de l’ONU que le gouvernement de Vladimir Poutine vient de saborder. Depuis, d’autres analystes ont prouvé que Moscou avait commencé à livrer des carburants et des produits raffinés à son partenaire nord-coréen.
Cette semaine, l’institut britannique Royal United Services Institute a publié notamment des clichés satellites montrant les allers-retours, début mars, de plusieurs tankers nord-coréens entre le port russe de Vostochny et le port nord-coréen de Chongjin. « En moins de trois semaines, les cinq pétroliers nord-coréens pourraient avoir transporté environ 125.000 barils de produits pétroliers raffinés », estime l’institut, dans son rapport.
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