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Rien ne leur sera jamais épargné. Comme si l’État ne pouvait tolérer, quelques semaines après la mort de Nahel Merzouk, 17 ans, abattu à bout portant par un policier à Nanterre (Hauts-de-Seine) et de longues années après celle d’Adama Traoré, 24 ans, décédé en 2016 au cours d’une interpellation par des gendarmes à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise), que les familles, les proches et leurs soutiens exigent encore et toujours la vérité et la justice.
Malgré deux interdictions prononcées par les autorités préfectorales – d’abord pour le défilé annuel à Beaumont, avec concert de rap mais aussi stands de barbe à papa et manèges pour les enfants, organisé par le comité Vérité pour Adama, puis pour un rassemblement sur la place de la République à Paris –, près de 2 000 personnes se sont retrouvées, samedi 8 juillet, en milieu d’après-midi, dans la capitale.
Des policiers verbalisent les « délinquants » coupables de porter des tee-shirts faisant référence à Adama ou à d’autres victimes
Sœur d’Adama et porte-parole du comité, Assa Traoré avait annoncé sa présence, sans formellement appeler à manifester. Comme les militants d’autres collectifs engagés contre les violences policières, des associations (Amnesty International, LDH, Attac, etc.), des syndicats (CGT, FSU, Solidaires) ou de formations politiques (FI, EELV et le NPA, notamment) – tous signataires d’un appel unitaire intitulé « Notre pays est en deuil et en colère » –, elle est d’ailleurs venue sans camion sono, ni même mégaphone.
Tandis que des policiers verbalisent les « délinquants » coupables de porter des tee-shirts faisant référence à Adama ou à d’autres victimes de violences policières, le point de presse informel est promptement encerclé. « Ce sont des décisions politiques qui visent à jeter de l’huile sur le feu, dénonce Assa Traoré. Ils nous ont dit d’arrêter les révoltes dans les quartiers, puis quand on veut se rassembler, on prétend nous l’interdire, c’est inacceptable. »
Membre de la Coordination nationale contre les violences policières, qui appelle à une journée de mobilisation nationale le 15 juillet, Omar Slaouti abonde : « En nous interdisant d’aller à Beaumont, on veut aussi nous empêcher d’avoir un élan d’amour et d’amitié pour Adama et ses proches. »
Au nom de la CGT, Céline Verzeletti décèle « une atteinte au droit à l’expression et au droit à la mémoire ». « Nous dénonçons la violence institutionnelle, le racisme, et nous revendiquons l’égalité sociale dans toutes ses dimensions, ajoute-t-elle. Ce gouvernement n’a strictement aucune réponse politique et, du coup, il n’est plus du tout légitime. »
Adama, le jour où il est mort, « voulait juste faire un tour à vélo »
Parmi la dizaine de députés insoumis (Mathilde Panot, Rachel Keke, Louis Boyard, etc.) et écologistes (Sandrine Rousseau), Éric Coquerel dénonce également l’impasse des macronistes, s’époumonant devant les participants : « La République, c’est nous ! »
Alors que l’information judiciaire sur le décès de son petit frère a été clôturée en fin d’année dernière mais que le parquet de Paris doit encore se prononcer pour requérir, ou non, le renvoi de l’affaire devant la justice, Assa Traoré rappelle : « Le jour où Adama est mort, c’était son anniversaire. Il avait mis sa plus belle chemise à fleurs, il avait enfilé un bermuda et pris son bob. Il voulait juste faire un tour à vélo. »
Dans l’assistance, quelqu’un se présentant comme journaliste n’a qu’une question à la bouche, venimeuse à souhait : « Appelez-vous au calme ? » Une armada d’anges passe. Assa Traoré réplique : « Pourquoi vous me posez cette question ? A-t-on jamais appelé à la violence ? »
Interpellation brutale de deux membres du collectif
Policiers, symboliques et politiques, les coups pleuvent, comme en témoigne – dernier exemple en date – le Parisien qui, vendredi dernier, a osé ce titre odieux : « Comment la mère de Nahel est devenue l’égérie du clan Traoré ».
Après l’évacuation, sans heurt, en dehors d’une très fugace bousculade due à la présence d’escadrons de policiers et de gendarmes, désemparés pour beaucoup, au milieu de la foule, les manifestants défilent au cri de « Pas de justice, pas de paix », sur quelques centaines de mètres en direction de la gare de l’Est.
Là, avant d’appeler à la dispersion , Assa Traoré monte sur un Abribus. « On pourchasse nos morts jusque dans leur tombe, on veut nous interdire de les nommer ! s’insurge-t-elle dans un porte-voix prêté par un gilet jaune. On nie leur existence, c’est une déshumanisation totale. »
Illustration de ce constat révoltant : quelques dizaines de minutes après la fin du rassemblement, des policiers de la Brav-M procèdent à l’interpellation très brutale de deux des membres du comité Vérité pour Adama. Au passage, ils bousculent violemment plusieurs journalistes et des manifestants.
Par un sinistre hoquet de l’Histoire, Youssouf Traoré est embarqué, après avoir été immobilisé par des agents entassés sur son dos… Soit les gestes qui ont vraisemblablement conduit au décès de son grand frère à Beaumont-sur-Oise, il y a sept ans.
Dans un communiqué, la préfecture de Paris se gargarise d’avoir procédé à l’interpellation de deux membres du comité Vérité pour Adama et annonce des poursuites contre Assa Traoré. La boucle de l’ignominie, d’un bout à l’autre, est bouclée.
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