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Sur le terrain, qu’il s’agisse de solidarité aux frontières ou de lutte pour le respect des droits des travailleurs sans papiers, les militants des partis de la Nupes sont nombreux à être engagés sur la question de l’immigration. Pourtant, face à un débat public saturé par les thèses de l’extrême droite, la gauche semble inaudible et donne l’impression d’être incapable de porter des propositions concrètes sur le sujet.
« Pourtant, nous en avons et ce n’est pas nouveau, assure la sénatrice communiste Éliane Assassi. Le PCF a publié, dès 2018, le Manifeste pour une France hospitalière et fraternelle. C’est une base solide. »
Le document, fruit d’un travail collectif entre élus, responsables associatifs et syndicaux, jetait les bases de politiques positives visant notamment à la mise en place de voies légales et sécurisées pour les migrations internationales, la défense de politiques d’intégration par le travail et l’accès facilité aux droits fondamentaux des personnes exilées.
Face aux offensives outrancières de la droite et de l’extrême droite entretenues par le ministre de l’Intérieur, la gauche entend donner de la voix.
Faciliter l’accès à l’emploi et régulariser les travailleurs sans papiers
« Chacun y travaille et nous allons œuvrer ensemble à une réponse républicaine aux attaques de la droite, indique le député socialiste Boris Vallaud. La première des batailles, c’est la régularisation des travailleurs sans papiers. On peut craindre, sur cette question, que le gouvernement ne fasse le service minimum. Ces dispositions ne doivent pas servir à créer de la main-d’œuvre pas chère. Au contraire, elles doivent permettre l’accès de ces personnes aux droits normaux de tous les travailleurs. C’est une des conditions à la mise en place de politiques d’intégration ambitieuses et exigeantes. »
Sortir une partie du monde du travail de la clandestinité est également une priorité pour Ian Brossat, porte-parole du PCF. « Il ne s’agit pas juste de défendre les valeurs humanistes dont nous sommes porteurs, insiste le maire adjoint de Paris en charge de la protection des réfugiés. Nous devons nous emparer du sujet de l’immigration avec pragmatisme. La régularisation des travailleurs sans papiers serait une bonne chose pour l’ensemble du monde du travail. Contrairement à ce qu’affirme la droite, ce qui crée du dumping social, c’est de maintenir les gens dans l’irrégularité. »
La députée insoumise Danièle Obono attend, elle aussi, des réponses concrètes « aux difficultés actuelles », considérant le travail comme un des leviers primordiaux et pas seulement concernant les métiers en tension. « On l’a bien vu avec l’accueil des réfugiés ukrainiens, développe-t-elle. L’accès immédiat des demandeurs d’asile au droit de travailler facilite leur intégration. »
Des moyens pour garantir des droits pérennes
Pour la gauche, l’irrégularité et la précarité, auxquelles sont confinées les personnes immigrées, fragilisent le tissu social. Loin des idéologies visant à opposer les droits des uns à ceux des autres, la garantie pour tous de pouvoir répondre à ses besoins fondamentaux est une condition essentielle au vivre-ensemble.
Et cela passe, en premier lieu, par le droit au séjour. « Il faut revenir à la carte de dix ans », pointe en ce sens l’eurodéputé écologiste Damien Carême, appelant également à sortir la gestion des politiques migratoires « du giron du ministère de l’Intérieur pour le faire entrer dans celui de la Solidarité ».
Dans le même ordre d’idées, afin de garantir un accès moins contraignant à un séjour pérenne, Danièle Obono préconise que l’État donne plus de moyens aux préfectures. « Beaucoup de personnes se retrouvent en situation irrégulière parce que c’est de plus en plus compliqué de renouveler son titre de séjour en préfecture, argumente la députée parisienne. C’est pour cela aussi qu’il faut plus de personnel à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, à l’Office français de l’immigration et de l’intégration et à la Cour nationale du droit d’asile. »
Pour les responsables de gauche, la précarisation des droits des étrangers contenue, à l’inverse, dans les différentes propositions de loi portées par la droite ou le gouvernement nuit, in fine, à la cohésion républicaine. « Les attaques contre le droit à la vie familiale ou celles contre l’aide médicale d’État sont des régressions injustes, ajoute Boris Vallaud. La gauche doit réaffirmer les principes républicains. »
Une politique d’intégration ambitieuse et pragmatique
La multiplication des campements de fortune dans les grandes agglomérations est un des symptômes de cette précarité imposée aux exilés, qui permet aux prédicateurs des politiques de rejet d’attiser la peur face à des populations contraintes au système D.
Pour la gauche, une politique d’intégration positive passe, là aussi, par des solutions pragmatiques. « La saturation dans les centres d’hébergement est due au fait que beaucoup de gens, qui, pour la plupart, travaillent, sont en situation irrégulière et n’ont pas le droit de demander à accéder à un logement social pérenne, pointe ainsi Ian Brossat. Un véritable dispositif d’accueil nécessite la programmation de places d’hébergement dans un nombre suffisant avec un réel accompagnement social. » En clair, l’accès à des conditions d’hébergement dignes et sécurisées est la base d’une politique d’intégration réussie.
« Ça passe aussi par des moyens plus importants alloués à la formation, complète Boris Vallaud. Qu’il s’agisse de l’apprentissage de la langue, de formation professionnelle ou même de transmission de principes tels que la laïcité, nous devons augmenter les volumes, notamment en direction des femmes qui arrivent grâce au regroupement familial. »
Conquérir des droits nouveaux
La gauche entend influer le rapport de force en faveur de mesures d’humanité. « Depuis plusieurs années, dès que nous proposons une mesure de justice, on nous répond qu’elle va faire monter l’extrême droite ! s’indigne Éliane Assassi. Les gouvernements successifs s’enferment dans des logiques répressives, pensant faire baisser mécaniquement le Rassemblement national. »
À l’évidence, cette stratégie est un échec. « Que faisons-nous des personnes qui n’ont actuellement pas droit au séjour mais que nous ne pouvons pas renvoyer dans leur pays, soit parce qu’elles y seraient en danger, soit parce que le pays d’origine ne veut pas les reprendre ? questionne Boris Vallaud. Et concernant les réfugiés climatiques, qui vont être de plus en plus nombreux mais pour lesquels le droit actuel ne prévoit pas de statut ? Il faudra bien conquérir de nouveaux droits. »
Une logique concrète qui aurait également comme conséquence de limiter le nombre des obligations de quitter de quitter le territoire français (OQTF) inapplicables. « Il faut arrêter de les distribuer à tout-va, continue Danièle Obono. Elles placent de plus en plus de personnes en situation irrégulière et multiplient les recours au contentieux qui saturent les tribunaux administratifs. »
Pas de nouvelle loi, des actes pour faire respecter le droit existant
La surenchère répressive entraîne, par ailleurs, une multiplication des manquements au droit de la part des autorités : refoulements de mineurs, enfermements abusifs… « Nous n’avons pas besoin d’une nouvelle loi ! assène Damien Carême. Il faut faire appliquer le droit et renforcer les condamnations contre les préfets qui les bafouent. Tout comme il faut en finir avec le droit dérogatoire et le visa Balladur, qui continue de tuer à Mayotte. »
L’ancien maire de Grande-Synthe appelle, en outre, à ce que les élus qui s’engagent pour un meilleur accueil des exilés soient mieux protégés. Et de demander : « Comment se fait-il qu’il n’y ait aucune suite judiciaire après ce qu’a subi le maire de Saint-Brevin, par exemple ? C’est de la responsabilité du ministre de l’intérieur ! »
Excédée par les concessions de la droite et de l’exécutif à l’idéologie de l’extrême droite, la gauche n’est pas désarmée sur la question de l’immigration.
Le gouvernement serait bien inspiré de porter attention à ses propositions, plutôt que de s’obstiner à faire monter le Rassemblement national pour s’assurer de prochaines victoires électorales. Une stratégie qui pourrait bien se retourner contre notre société tout entière.
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