[ad_1]
« V ous savez comment reconnaître un hêtre d’un charme ? » lance Solen Boivin, guide au Parc national régional de la haute vallée de Chevreuse. « C’est simple. Le premier a des feuilles ovales avec des poils sur les bords, alors que les feuilles du second ont des dents aux extrémités. »
Sur les 190 espèces d’arbres répertoriées par l’Office national des forêts, Solen Boivin est capable d’en citer une vingtaine rien qu’en levant les yeux. « Ici, vous avez un châtaignier ; là-bas, un chêne et, derrière, un alisier », précise-t-elle en désignant chacun du doigt. Niché en plein cœur de la forêt de Rambouillet, le sentier des Maréchaux constitue un incroyable poste d’observation de la faune et de la flore. « On est vraiment dans une forêt qui regorge d’essences d’arbres venant de partout », dit-elle.
Un robinier faux-acacia, espèce originaire d’Amérique, détonne au centre d’une clairière lunaire. « Le sable que vous voyez au sol est le même que l’on retrouve à Fontainebleau. Ici, il y a trente millions d’années, vous aviez un océan à la place de la forêt ! » rappelle la naturaliste.
« Une forêt ne se crée pas en dix ans »
À l’histoire du temps géologique s’ajoute celle du temps économique. Le sentier des Maréchaux abrite d’anciennes carrières qui ont façonné le paysage forestier. « On avait besoin de meulière et de grès pour les constructions. Les carriers ont donc défriché une partie de la forêt pour pouvoir extraire la roche », explique Solen Boivin.
Un paysage artificiel en constante évolution. « Vous voyez le bouleau là-bas ? Si on le laisse faire, il va déposer ses feuilles. Cela créera de l’humus qui sera favorable à l’arrivée d’autres arbres. » Contrairement aux futaies régulières qui consistent à préserver une seule essence sur une parcelle déterminée, les futaies irrégulières offrent l’avantage de proposer des arbres d’âge, d’essence et de taille variés.
La diversité fait partie de l’ADN de la forêt de Rambouillet. « Même s’il existe des plantations en monoculture de résineux, celles-ci restent, pour l’instant, minoritaires. Les agents de l’ONF privilégient les futaies irrégulières. Ces dernières sont principalement composées de charmes, de hêtres et de chênes », détaille Solen Boivin.
« On parle d’adapter la forêt face au changement climatique. Je trouve cela très présomptueux. Une forêt ne se crée pas en dix ans ! s’insurge la scientifique. La résilience doit être assurée par la forêt elle-même. La sélection s’effectue naturellement au fur et à mesure des années. Planter un milliard d’arbres est un argument repris par beaucoup de médias. Pour ma part, j’entends surtout l’abattage de 10 % de la forêt qui s’annonce ! »
Une diversité naturelle à cultiver
« Il y a de super petits champignons ! » s’exclame Solen Boivin qui désigne un tronc d’arbre couché au sol. Elle tâte du doigt l’amas blanchâtre. « Je pense que c’est un clavaire en chandelier », avance notre guide. Une limace loche rampe sous nos yeux. « L’intérêt du bois mort est qu’il nourrit d’autres organismes vivants tels que les champignons, mais aussi les insectes. » Preuve qu’avant d’être un terrain de rentabilité, la forêt est un écosystème. Si on menace l’équilibre de l’espace forestier, cela risque de bouleverser la chaîne alimentaire de centaines d’espèces animales.
En face de nous se dresse un ancien abreuvoir. Ce dernier permettait de donner à boire aux chevaux des carriers au début du XXe siècle. Jusque dans les années 1950, la forêt vivait au rythme de cette exploitation industrielle d’Île-de-France. « En 1955, la production s’est brutalement arrêtée. Elle a été remplacée par le grès de Suède, moins cher et plus rentable. Aujourd’hui, c’est le grès de Chine qui l’a supplanté », soupire Solen Boivin.
Si la forêt semble avoir repris ses droits sur cette Atlantide engloutie, la naturaliste et docteure en biologie insiste sur le paradoxe d’une nature cultivée. « Tout paysage est façonné par l’homme. Quand on parle de forêt naturelle, cela n’a pas tellement de sens. La forêt de Rambouillet reste un espace anthropisé. Mais c’est sûr que les écosystèmes se portent largement mieux sans intervention humaine. »
[ad_2]
Source link
