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Publié le 21 janv. 2024 à 17:25Mis à jour le 21 janv. 2024 à 17:40
A deux mois de la présidentielle gagnée d’avance par Vladimir Poutine , de surprenantes explosions de colère populaire viennent de troubler le message du chef du Kremlin. « Pas à Moscou mais ici chez nous, au Bachkortostan ! », se réjouit Akim Tuktarov. Sur la rue Lénine, dans le centre d’Oufa, capitale de cette région limitrophe de l’Oural, morne cité d’un million d’habitants, le jeune homme s’active ces jours-ci pour recueillir les signatures que Boris Nadejdine, figure de l’opposition moscovite, doit collecter à travers la Russie d’ici la fin du mois afin de faire valider sa candidature face au président.
« Il suffit d’ouvrir les yeux pour comprendre que la stabilité défendue par Poutine est en grande partie une vitrine », prévient-il. « Par conséquent, nos manifestations régionales, auxquelles personne n’attendait autant de monde, sont significatives à la veille de la présidentielle. »
Le déclencheur de la colère
Après les violences policières et l’arrestation des principaux leaders du mouvement, la protestation s’est réduite au silence en ce glacial week-end au Bachkortostan. Vendredi, sur l’une des places historiques d’Oufa, quelque 2.000 protestataires s’étaient mobilisés. Mais surtout dans la campagne, à Baïmak, petite ville à huit heures de voiture de la capitale régionale, jusqu’à 10.000 personnes ont manifesté devant le tribunal municipal.
Mercredi dernier, Fail Alsynov, principale figure des mouvements régionaux pour la défense du Bachkortostan, de sa nature et de sa culture, y a été condamné à quatre ans derrière les barreaux. « Cela a été le déclencheur de la colère », décode Ramil Rakhmatov, journaliste réputé à Oufa. Mais il temporise : le mouvement vise avant tout Radi Khabirov, le gouverneur régional accusé de céder aux intérêts économiques extérieurs et de ne pas soutenir assez le Bachkortostan, terre riche en ressources naturelles.
« Les gens sont en colère parce que leur région n’est pas assez défendue, parce que l’un de leurs défenseurs a été injustement condamné à une lourde peine de prison. Pour apaiser la situation locale, il suffit maintenant à Vladimir Poutine de renvoyer Radi Khabirov. Le gouverneur puni, la population sera contente », anticipe Ramil Rakhmatov.
« Les autorités jouent la peur »
Pour le moment, le narratif officiel du Kremlin sur la stabilité politique et le développement économique assurés par Vladimir Poutine en près d’un quart de siècle au pouvoir est bousculé par les manifestations du Bachkortostan. « La mobilisation vue à Oufa et surtout à Baïmak est impressionnante pour la Russie ! Tous ces manifestants étaient venus de partout, organisés grâce aux réseaux sociaux où le soutien est plus large encore », analyse Anna, l’une des figures locales de l’opposition contre le Kremlin de Vladimir Poutine.
Comme d’autres manifestants contactés par « Les Echos », elle préfère rester anonyme. Prudente, elle redoute qu’une rencontre avec un journaliste occidental serve de justification au ministère de la Justice pour l’inclure dans la liste des « agents de l’étranger ».
Au moins une vingtaine d’autres rebelles ont été arrêtés après les manifestations et les violences entre policiers et manifestants. La plupart ont écopé de peines administratives et de quelques jours d’incarcération. D’autres, notamment les leaders, sont poursuivis au pénal. « Les autorités, comme d’habitude, jouent sur la peur. Mais ces manifestations montrent que, au-delà de l’apathie orchestrée par le Kremlin pour entretenir sa vitrine, nous pouvons bel et bien être politisés », insiste Andreï, un autre simple opposant anonyme.
« Malaise de la société vis-à-vis du pouvoir »
Les habitants ont vu que les chaînes nationales de télévision au service du Kremlin ont ignoré la protestation du Bachkortostan. Et ils ont senti les méfaits du brouillage des réseaux internet qui, visant les groupes de manifestants, ont aussi bloqué les simples messages WhatsApp. « Exemple parmi d’autres de blocages contre-productifs, amplifiant la prise de conscience du malaise de la société vis-à-vis du pouvoir », ironise l’opposition.
Mais Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a fait d’ores et déjà passer le message : « Il n’y a pas d’émeutes ni de manifestations de masse », a-t-il déclaré, reléguant les événements du Bachkortostan à de simples « manifestations individuelles » et faisant porter la responsabilité sur le gouverneur régional.
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