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Publié le 8 déc. 2023 à 17:39Mis à jour le 8 déc. 2023 à 17:54
C’est une bataille importante que viennent de remporter les banques. Dans une décision rendue vendredi, le Conseil d’Etat a donné raison à la Fédération bancaire française (FBF) face à l’administration fiscale, dans le dossier explosif de la taxation des dividendes, en cas de prêt-emprunt d’actions françaises – ou de produits dérivés – détenus par des résidents étrangers.
L’organisation, qui défend les intérêts de la profession, réclamait un cadre juridique « clair et cohérent ». Elle contestait l’interprétation faite par Bercy dans plusieurs rescrits publiés en février 2023 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFIP).
L’administration y indiquait que les banques françaises devaient appliquer une retenue à la source sur les dividendes versés, dès lors que le « bénéficiaire effectif » des produits financiers ne résidait pas en France. De quoi faire bondir les établissements tricolores.
Copie à revoir
Ces préconisations étaient « trop compliquées et impossibles à mettre en oeuvre », dénonce un banquier. « L’interprétation de l’administration fiscale, loin de clarifier la règle, créait une situation d’insécurité juridique très forte, donnant une interprétation très large de la notion de bénéficiaire effectif », abonde Me Salomé Lemasson, spécialiste du droit pénal des affaires.
Le Conseil d’Etat a tranché : les rescrits sont annulés ; le fisc doit revoir sa copie.
Sollicitée par « Les Echos », la FBF dit avoir « pris connaissance de l’arrêt du Conseil d’Etat ». « La FBF comme ses membres restent mobilisés en faveur du maintien de l’attractivité et du développement de la place financière de Paris, favorables au financement de notre économie », ajoute-t-elle.
Le fisc réclame 2,5 milliards d’euros
Cette question de la retenue à la source est cruciale, car elle sous-tend les montages « CumCum », au coeur d’un vaste scandale de fraude fiscale ces dernières années en Europe. Le procédé consiste, pour des investisseurs étrangers, à prêter leurs titres à un établissement français au moment où le coupon est détaché, pour les récupérer ultérieurement avec le dividende.
La retenue à la source n’est alors pas appliquée par la banque, car celle-ci est domiciliée en France. Et le gain fiscal peut être ensuite partagé entre le prêteur et l’emprunteur.
La pratique, documentée en 2018 par les révélations d’un consortium de journalistes, vaut actuellement à cinq grandes banques en France de faire l’objet de poursuites de l’administration fiscale ainsi que du parquet national financier (PNF). Après une première série de contrôles, le fisc a déjà notifié pour 2,5 milliards d’euros de redressement aux établissements incriminés.
Et ce n’est peut-être qu’un début, car une deuxième série de contrôles a été engagée par l’administration. Quant au volet pénal, il est encore dans la phase d’enquête, mais a déjà donné lieu à une gigantesque perquisition , fin mars, dans les locaux des banques soupçonnées de fraude fiscale aggravée et de blanchiment de fraude fiscale, dont BNP Paribas et sa filiale Exane, Natixis, Société Générale et HSBC.
Crédit Agricole aurait échappé aux perquisitions après avoir reconnu les montages et réglé, d’après l’agence Bloomberg, un chèque de 35 millions d’euros.
La « pêche au chalut »
Les juges administratifs ont-ils enrayé cette mécanique ? « La décision du Conseil d’Etat, qui remet en cause l’interprétation très large de Bercy sur l’imposition des dividendes, peut avoir une incidence sur les montants des redressements fiscaux prononcés », estime Me Alexandre Lagarrigue, avocat associé en droit fiscal chez Clifford Chance.
L’enquête pénale, en revanche, ne devrait pas être directement affectée. « Les poursuites ne sont pas remises en cause », assure Caroline Boyer, l’avocate du collectif Citoyens en bande organisée, emmené par le député socialiste Boris Vallaud et qui avait déposé plainte auprès du PNF dès 2018.
Certes, les banques ont les coudées plus franches. Mais elles peuvent toujours se rendre coupables d’un « abus de droit » si elles participent à des opérations de prêt-emprunt de titres qui n’ont pas d’autre but que d’éviter l’impôt. Charge à l’administration de le démontrer, opération par opération.
« Le fisc voulait pratiquer la pêche au chalut. Il va devoir se rabattre sur la pêche à la ligne », résume un banquier – qui s’en réjouit, car « le risque du chalut, c’est de tuer toute la faune et la flore sous-marine ».
Préserver l’attractivité de Paris
L’enjeu mis en avant par le secteur bancaire est en effet l’attractivité de la place parisienne. En appliquant trop largement la retenue à la source, « on prend le risque de voir partir de grands investisseurs étrangers, prévenait récemment un banquier. En fin de compte, c’est le financement de l’économie française qui en pâtit ».
S’il est difficile d’estimer la valeur que représente cette activité de prêt-emprunt pour l’industrie, elle reste significative. Et mérite en tout cas que la profession se batte pour défendre ces pratiques.
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